COPERNIC, BRUNO, GALILEE (Suite) COPERNIC, BRUNO, GALILÉE (Suite) Avec lui, l'univers devenait infini. Supposer la multitude des mondes existants, c'est souscrire à une multitude d'idées de mondes possibles. Insoutenable hérésie à l'aube du 17° siècle. Avec lui, l'univers devenait infini. Sup¬ poser la multitude des mondes exis¬ tants, c'est souscrire à une multitude d'idées de mondes possibles. Insoute¬ nable hérésie à l'aube du 17e siècle. Peut-être Copernic ne s'est-il guère douté des développements dramatiques qu'allait finalement entraîner son rejet du long compromis entre sens et raison qu'avait assis la représentation ptolémaique de l'univers. Sur le coup, rien ne s'était passé. Mais plus tard, dans une Italie de la Renaissance inquiète et affranchie de préjugés, la polémique sur l'infini explosait et tout était remis en cause, du macrocosme au microcosme humain. Peut-être Copernic ne s'est-il guère douté des développements dramati¬ ques qu'allait finalement entraîner son rejet du long compromis entre sens et raison qu'avait assis la représentation ptolémaïque de l'univers. Sur le coup, rien ne s'était passé. Mais plus tard, dans une Italie de la Renaissance inquiète et affranchie de préjugés, la polémique sur l'infini explosait et tout était remis en cause, du macrocosme au microcosme humain. La lecture que Giordano Bruno avait faite de l'eeuvre de Copernic était à la fois littérale et métaphorique, tout comme d'autres, en d'autres temps, avaient fait lecture d'Aristote et de la Genèse. Certains éléments étaient mal compris. N'allait-on pas jusqu'à attribuer à Copernic une dissolution des sphères célestes solides, pour le moins douteuse si l'on analyse attentivement De Revolutionibus. Mais l'accent authentique, et Bruno ne s'y était pas trompé, c'était la reconquête de l'être infini, dans et par la raison humaine, l'intuition d'une voie ouverte vers l'absolu et la nécessité. La lecture que Giordano Bruno avait faite de l'luvre de Copernic était à la fois littérale et métaphorique, tout comme d'autres, en d'autres temps, avaient fait lecture d'Aristote et de la Genèse. Certains éléments étaient mal compris. N'allait-on pas jusqu'à attri¬ buer à Copernic une dissolution des sphères célestes solides, pour le moins douteuse si l'on analyse attenti¬ vement De Revolutionibus. Mais l'accent authentique, et Bruno ne s'y était pas trompé, c'était la reconquête de l'être infini, dans et par la raison humaine, l'intuition d'une voie ouverte vers l'absolu et la nécessité. En mourant pour ne point abjurer, Bruno attestait le drame que l'être suscite dans la conscience de l'homme, la valeur permanente de la recherche socratique et du• Connaistoi toi-même l'urgence, dans la cité, de la tolérance niée par la Genève de Calvin comme par la Rome de l'Inquisition. En mourant pour ne point abjurer, Bruno attestait le drame que l'être suscite dans la conscience de l'homme, la valeur permanente de la recherche socratique et du « Connaistoi toi-même », l'urgence, dans la cité, de la tolérance niée par la Genève de Calvin comme par la Rome de l'Inqui¬ sition. Drame de la raison face à la réalité, nous l'avons dit. Il fallait redécouvrir l'infini, et il s'imposait d'en distinguer le fini du défini. Bruno parvint à saisir Drame de la raison face à la réalité, nous l'avons dit. Il fallait redécouvrir l'infini, et il s'imposait d'en distinguer le fini du défini. Bruno parvint à saisir que le fini et l'infini peuvent se fondre dans l'individu. L'individu est fini, limité, parce qu'il n'est pas d'autres individus ; mais il est infini, illimité, parce qu'il est inconditionnellement lui-même. C'est que la saisissante précision, la clarté du schéma copernicien, se métamorphosaient en cette dimension nouvelle de la conscience moderne : l'individualité. que le fini et l'infini peuvent se fondre dans l'individu. L'individu est fini, limité, parce qu'il n'est pas d'autres individus ; mais il est infini, illimité, parce qu'il est inconditionnellement lui-même. C'est que la saisissante pré¬ cision, la clarté du schéma coperni¬ cien, se métamorphosaient en cette dimension nouvelle de la conscience moderne : l'individualité. Individualité dont Galilée allait donner le pur exemple. Ce qui est toujours vivant, dans chacune des pages qu'il écrivit, c'est précisément l'action d'une pensée qui devient sens général des choses. La limite de l'expérience des sens est chaque fois transcendée par l'infini de la raison, et se mue en affirmation individuelle. Et c'est pourquoi Galilée reste fascinant : à la fois homme parfaitement moderne, et homme de tous les temps, de toutes les latitudes. Individualité dont Galilée allait don¬ ner le pur exemple. Ce qui est toujours vivant, dans chacune des pages qu'il écrivit, c'est précisément l'action d'une pensée qui devient sens général des choses. La limite de l'expérience des sens est chaque fois transcendée par l'infini de la raison, et se mue en affirmation individuelle. Et c'est pour¬ quoi Galilée reste fascinant : à la fois homme parfaitement moderne, et homme de tous les temps, de toutes les latitudes. Copernic, tel qu'il l'a fait revivre dans le dialogue et la mise en scène des Plus grands systèmes, est essentiellement le défenseur de la logique face à l'autoritarisme, le verbalisme, l'irresponsabilité démissionnaire. Si la vertu dont il témoigne est intellectuelle, elle est aussi morale : clarté qui est courage, ce courage grâce auquel la science nouvelle peut enfin s'avérer féconde, contre les timides jaloux de l'immutabilité des ciels Copernic, tel qu'il l'a fait revivre dans le dialogue et la mise en scène des Plus grands systèmes, est essen¬ tiellement le défenseur de la logique face à l'autoritarisme, le verbalisme, l'irresponsabilité démissionnaire. Si la vertu dont il témoigne est intellec¬ tuelle, elle est aussi morale : clarté qui est courage, ce courage grâce auquel la science nouvelle peut enfin s'avérer féconde, contre les timides « jaloux de l'immutabilité des ciels ». La pensée scientifique, qui veut s'individualiser, et accorder la finitude des sens et l'infinité de la raison humaine, conquiert avec Galilée son originalité particulière et permanente : c'est elle qui lie le passé, le présent et le futur, d'Eudoxe, Archimède et Euclide à Copernic, et de Copernic à Newton, Hilbert et Einstein. La pensée scientifique, qui veut s'individualiser, et accorder la finitude des sens et l'infinité de la raison humaine, conquiert avec Galilée son originalité particulière et permanente : c'est elle qui lie le passé, le présent et le futur, d'Eudoxe, Archimède et Euclide à Copernic, et de Copernic à Newton, Hubert et Einstein. En bref, vu par Galilée, Copernic rationaliste invente le Copernic astro- En bref, vu par rationaliste invente EUREKA I C'est par le célèbre Archimède de Syracuse, qui vécut au 3° siècle avant notre ère, que nous connaissons la théorie de l'héliocentrisme élaborée à l'époque par Aristarque de Samos. Cette gravure du 16° siècle montre Archimède à l'instant proverbial où, dans son bain, il s'écria : - Eurêka I -, c'est-à-dire - j'ai trouvé -. Il s'agissait du principe d'hydrostatique qui porte toujours son nom : tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale de bas en haut égale au poids du liquide déplacé. Devant le savant, une couronne et des boules de métal qui lui auraient servi à vérifier sa découverte. EUREKAI C'est par le célèbre Archimède de Syracuse, qui vécut au 3e siècle avant notre ère, que nous connaissons la théorie de l'héliocen¬ trisme élaborée à l'époque par Aristarque de Samos. Cette gravure du 16 » siècle montre Archimède à l'instant proverbial où, dans son bain, il s'écria : - Eurêka I », c'est-à-dire « j'ai trouvé ». Il s'agissait du principe d'hydrostatique qui porte toujours son nom : tout corps plongé dans un liquide subit une poussée verticale de bas en haut égale au poids du liquide déplacé. Devant le savant, une couronne et des boules de métal qui lui auraient servi à vérifier sa découverte. Galilée, Copernic le Copernic astro- m « S C O nome, dont il se porte garant. Stupéfiante, sensationnelle, la révélation astronomique avait été précédée d'une révélation intérieure et subjective dans la conscience du chanoine de Frombork, Copernic. Elle atteignit le dominicain de Nola, Giordano Bruno, pour devenir aussi aiguë qu'obsédante dans la pensée du mathématicien de la cour des Médicis, Galilée. Si le monde antique avait transcendé, grâce à des esprits de génie, le naturalisme métaphysique par la création d'une science rationnelle, l'ère moderne assurait avec Copernic, Bruno et Galilée, un concept de l'être ouvert à l'exigence de l'infini. nome, dont il se porte garant. Stupé¬ fiante, sensationnelle, la révélation astronomique avait été précédée d'une révélation intérieure et subjective dans la conscience du chanoine de From¬ bork, Copernic. Elle atteignit le domi¬ nicain de Nola, Giordano Bruno, pour devenir aussi aiguë qu'obsédante dans la pensée du mathématicien de la cour des Médicis, Galilée. Si le monde anti¬ que avait transcendé, grâce à des esprits de génie, le naturalisme méta¬ physique par la création d'une science rationnelle, l'ère moderne assurait avec Copernic, Bruno et Galilée, un concept de l'être ouvert à l'exigence de l'infini. Individualité, individu, tel était le terme de l'aventure. Les craintes qu'inspiraient à Copernic sa propre théorie, le bûcher de Bruno, le procès de Galilée prouvent assez l'efficacité libératrice de cette révolution issue de la créature humaine, projetée dans les ciels pour s'insérer ensuite dans la théorie même de l'être. Individualité, individu, tel était le terme de l'aventure. Les craintes qu'inspiraient à Copernic sa propre théorie, le bûcher de Bruno, le procès de Galilée prouvent assez l'efficacité libératrice de cette révolution issue de la créature humaine, projetée dans les ciels pour s'insérer ensuite dans la théorie même de l'être. Si des traditions scientifiques stériles, de faux raisonnements philosophiques, des idolâtries religieuses avaient pu s'imposer par la force, la partie était désormais perdue dans le jugement de l'histoire. Les novateurs avaient donné l'exemple aux générations à venir.• Si des traditions scientifiques sté¬ riles, de faux raisonnements philoso¬ phiques, des idolâtries religieuses avaient pu s'imposer par la force, la partie était désormais perdue dans le jugement de l'histoire. Les novateurs avaient donné l'exemple aux généra¬ tions à venir.' |