10 théâtre avril 2013 / N°208 la terrasse E V E N E M E N T La Locandiera de Carlo Goldoni Mise en scène Marc Paquien avec Dominique Blanc, Anne Caillère, François de Brauer, Anne Durand, Gaël Kamilindi, André Marcon, Pierre-Henri Puente, Stanislas Stanic Mardi 23 avril 20h30 © Pascal VICTOR Mercredi 24 avril 20h30 Jeudi 25 avril 20h30 Critique Odéon-Théâtre de l’Europe de Labiche / mes Peter Stein Le Prix Martin Portée à merveille par Jacques Weber, Laurent Stocker et Jean-Damien Barbin, la comédie de Labiche reste bridée dans une mise en scène classique. « L’adultère, c’est-à-dire la volupté assaisonnée du crime… » lâche Ferdinand Martin d’un soupir humide, entre deux donnes de bésigue. Voilà longtemps que les ardeurs libertines roupillent dans l’embonpoint du quotidien et ne s’épanchent plus chez lui qu’en vagues regrets grisonnants. Bourgeois pansu et mari cocu, il se rêve d’héroïques ascendances et devise avec Agénor Montgommier, son compagnon de jeu et… l’amant de sa femme, qui lui ne songe qu’à quitter cette épuisante infidèle pour jouir sans remord de leur belle amitié. Démasquant son faux ami par un mauvais hasard, Ferdinand entreprend une vengeance « terrible » sous la badine de son cousin, tout juste débarqué de la pampa guatémaltèque et prompt aux fanfaronnades viriles : précipiter le traître au fond de « la sublime horreur », c’est-à-dire les Gorges de l’Aar, creusées au milieu des monts suisses. Après bien des péripéties et complications, rythmées par les ébats sonores de jeunes mariés en voyage de noce, l’équipée s’achève par les retrouvailles du vieux couple, expédiant l’épouse importune dans les bras du gaillard exotique… Jeu inégal des acteurs Dans cette comédie mélancolique, écrite en 1876, au soir de sa vie d’auteur, Labiche renverse le triangle rituel du vaudeville. Ici c’est « un amant qui se met à aimer le mari et à ne plus aimer la femme ». Se glisse derrière les cavalcades du genre une méditation sur l’éphémère des plaisirs sensuels qui s’étiolent quand jeunesse passe, sur le bonheur tranquille de la complicité masculine, les vanités du sexe et cet étrange désir qui fait tourner les têtes et le monde… Grand maître de la scène, l’Allemand Peter Stein semble cependant peu inspiré et ne fouille guère au revers des gravures d’Epinal, où les décors et costumes sont chiquement taillés. En ralentissant la mécanique certes usée des situations pour laisser sourdre le vide des existences, il perd aussi un peu de l’effroyable néant où se précipitent avec empressement ces bourgeois inconscients. Surtout les personnages sont simplement traités en discrète caricature, la gent féminine restant d’ailleurs coincée dans le registre de crétine artificieuse. Jacques Weber (Ferdinand Martin), Laurent Stocker (Agénor Montgommier) et Jean-Damien Barbin (Pionceux) échappent à la facétie et apportent heureusement la densité humaine qui donne sa puissance à la pièce. Gwénola David Odéon-Théâtre de l’Europe, place de l’Odéon, 75006 Paris. Jusqu’au 5 mai 2013, à 20h, sauf dimanche à 15h, relâche lundi. Tél. 01 44 85 40 40. Durée : 2h40. Réagissez sur www.journal-laterrasse.fr Tarifs de 16 à 32 � Le salon bourgeois des Martin. © Pascal Victor Critique Théâtre Nanterre-Amandiers de Goethe / traduction Bruno Bayen / mes Guillaume Delaveau Torquato Tasso Avec « Torquato Tasso », Guillaume Delaveau, le metteur en scène et directeur de la Compagnie X Ici, continue d’explorer après « Prométhée selon Eschyle » et « Vie de Joseph Roulin », les relations tumultueuses, voire toxiques, que l’artiste entretient avec le pouvoir. 01 55 62 60 35 www.theatredessablons.com Théâtre des Sablons 62-70 avenue du Roule 92200 Neuilly-sur-Seine Métro : Les Sablons « Et c’est moi qui devrait ressentir la faveur que le prince me prodigue (…) Il ne peut pas voir le faux-semblant, je ne peux pas prouver qu’on l’illusionne ; je dois me taire, et même me retirer, pour qu’il se berce de cette illusion, pour faciliter l’œuvre des illusionnistes. » Reclus dans sa chambre princière, thébaïde brutalement métamorphosée en prison lors de cette cruciale scène 3 de l’acte IV, Torquato Tasso, poète décillé, monologue. « Âme aux songes obscurs, que le réel étouffe entre ses quatre murs », ainsi décrit par Baudelaire, le héros éponyme, tragique autant que romantique, de cette difficile pièce classique en cinq actes, est le double dramatique de son auteur : Johann Wolfgang von Goethe. Le grand poète allemand du Sturm und Drang, trouve, à l’instar de nombre d’artistes et de penseurs européens de son temps affiliés aux idéaux du mouvement romantique, en la personne du génial autant qu’incompris poète italien de la renaissance finissante, plus qu’une source d’inspiration, une figure d’incarnation. « Il est vertigineux de voir à quel point la vie de Goethe et celle du poète italien s’imbriquent et comment les enjeux intimes se glissent dans les plus politiques » note Guillaume Delaveau. Réagissez sur www.journal-laterrasse.fr Locanderia_Sablons.indd 1 20/03/13 14:48 |