26/N°154/janvier 2008/la terrasse théâtre critiques LaTerrasse-TOP 11/12/07 22:58 Page 1 10 -20 JANVIER L’ECHANGE NOUVELLE PRODUCTION De Paul Claudel/Mise en scène Yves Beaunesne Avec Nathalie Richard, Alain Libolt, Julie Nathan, Jérémie LippmannRéservations 01 46 03 60 44/www.top-bb.fr Théâtre de l’Ouest Parisien 1, place Bernard Palissy - 92100 Boulogne-Billancourt critique ¶ Vive la France Portrait d’une mère patrie exploiteuse, marâtre méprisante et raciste refusant d’admettre que le blanc s’est depuis longtemps foncé entre le rouge et le bleu : Rouabhi ouvre les vannes du refoulé. « Être français, ce n’est plus appartenir à une quelconque idée de la France, mais à une réalité : l’héritage de cent cinquante années de colonialisme et d’émigration. » MohamedRouabhi, comédien, metteur en scène, scénariste et dramaturge, est né à Paris de parents algériens. Son rapport à la condition immigrée MohamedRouabhi fait le portrait des relégués de l’Histoire française. s’enracine dans quatre années passées au Foyer Sonacotra de Drancy auprès de ceux qui couchent dans le lit de l’exil, au cœur aveugle d’une France « qui t’aime en 98 et t’expulse en 2006 ». Le corps de la France dont Rouabhi se fait ici le légiste a les couleurs de son déni : « le jaune, le noir, le brun ». Des Antilles et du Tonkin, de l’AOF et d’Algérie, sont venus des hommes aux enfants desquels la France refuse aujourd’hui leur part d’héritage sous prétexte d’une hérédité portée comme un stigmate. Pas d’alternative à l’amnésie si ce n’est l’exclusion : les tenants de l’universel aseptisant s’offusquent encore qu’on ne trouve pas accueillant le giron d’une mère adoptive qui traite en bâtards les descendants de son harem exotique. Montrer, rappeler, analyser, dénoncer et combattre D’une matière première « humaine et matérielle », à partir des images, des textes, des archives, de l’Exposition Coloniale de 1931 jusqu’au victimes de l’incendie de l’hôtel Paris-Opéra d’avril 2005 et aux deux victimes du transformateur électrique de Clichy-sous- Bois, MohamedRouabhi « ne prend pas de gants pour fouiller dans les décombres » de l’Histoire et compose un spectacle militant et authentique, qui vaut autant comme manifeste que comme mémorial. La grande variété critique ¶ Machine sans cible Quand la vacuité se prend au sérieux, la machine théâtrale tourne en rond… « Machine sans cible est une pièce sur l’amour, l’intelligence, leurs définitions et les ponts qui les relient. » déclare Gildas Milin, auteur et metteur en scène. Diantre ! Pour explorer ces troublantes questions qui taraudent la littérature et éreintent la philosophie depuis des lustres, il a réuni quelques copains un soir d’été afin que chacun livre son expérience intime. Soit. Il reprend le processus, ici mis en abyme, et tricote la trame de cette conversation nocturne, enregistrée et retravaillée pour faire pièce. Dans une déco tendance white cube (mais subtilement tachetée de photos de papillons noirs allusivement jetées sur le sol), ils sont donc sept acteurs qui tournicotent sur le plateau en préparant l’enregistrement de leurs ébats intellectuels. Les uns bidouillent les micros ou cherchent une rallonge, les autres papotent ou tripotent leur portable. Ils attendent Rose. Qui n’arrive pas. Après des sources, des supports et des formes de l’image et du son est l’occasion de créer des tableaux d’un réalisme qui n’évite pas toujours, esthétiquement parlant, les travers du chromo, mais en ces domaines, le mauvais goût est trop du côté des caricatures rapportées de la bonne conscience coloniale pour pouvoir être reproché à qui les reproduit pour mieux les dénoncer. MohamedRouabhi fait œuvre de salubrité et de salut avec Vive la France : il est à souhaiter que les hommes de sa trempe ne baissent jamais les armes dans leur combat pour la mémoire et la dignité ! Catherine Robert Vive la France, spectacle conçu et mis en scène par MohamedRouabhi. Du 4 février au 1er mars 2008. Du mardi au samedi à 20h ; le dimanche à 16h. Relâche le lundi sauf le 4 février. Théâtre Gérard-Philipe, 59, boulevard Jules-Guesde, 93200 Saint-Denis. Réservations au 01 48 13 70 00 (du mardi au samedi, à l’issue de la représentation, navette desservant Porte de Paris, Porte de la Chapelle, Gare du Nord et Châtelet). ces prolégomènes bien longuets qui tentent de camoufler, l’air de rien, la représentation sous le feuillage touffu des banalités, après les dérobades et les rires d’esquive, enfin quelqu’un se lance. Sensible sans cible Chacun y va alors de sa petite anecdote, de son petit cliché, de son petit vécu, de ses petites confessions philosophiques, déversant gentiment le tout dans les clapotis de la discussion. Qui parfois s’affole et se prend à bégayer. Tous s’agitent alors en chœur en une prose chorégraphique erratique. Puis l’expérience dévie sur une histoire de robot « générateur numérique aléatoire », de poussins affectivement dépendants, d’influence des signaux amoureux sur la trajectoire de la machine… L’émotionnel au cœur du rationnel, la programmation du chaos, la perturbation des logiques mathémati-/pour recevoir la terrasse par internet, envoyez un mail à : la.terrasse@wanadoo.fr en objet : recevoir la terrasse/Photo : Eric Legrand |