16/Théâtre Région rencontre Irène Bonnaud et François Chattot « Faire vivre un CDN comme une compagnie » Music-hall 56, de John Osborne, pièce inédite en France malgré son immense succès international, raconte l’irruption de l’Histoire dans la vie d’une famille d’artistes de music-hall. Savant mélange entre la tragédie et la farce, cette œuvre, mise en scène par Irène Bonnaud, est à l’image du projet qui guide François Chattot et son équipe dans leurs nouvelles fonctions au Théâtre Dijon Bourgogne : poétique et politique à la fois. Comment votre envie de travailler ensemble est-elle née ? Irène Bonnaud : Nous nous connaissons depuis une dizaine d’années ; nous nous sommes rencontrés en 1995, alors que j’étais assistante de Jacques Nichet. Très vite, nous avons fait un spectacle ensemble, Tracteur, et nous avons eu très envie de retravailler ensemble. Voilà deux ans que nous songeons à cette pièce mais j’attendais que François sorte de la Comédie-Française ! François avait envie d’un lieu où rassembler les membres d’une famille qui ne se connaissent pas forcément entre eux. Au printemps dernier, nous avons préparé le dossier de candidature au Théâtre Dijon Bourgogne avec Mireille Brunet. Ce projet s’appelle « Ensemble » : ce qui dit bien la volonté de réunir des gens différents. Mais c’est aussi une référence au terme allemand qui désigne la troupe : il s’agit de parvenir à fédérer les énergies dans un centre dramatique comme on le fait dans une troupe. François Chattot : Et de faire vivre un CDN comme une compagnie et pas comme une institution. Ainsi, on a créé une cantine où tout le monde vient : l’administration, les techniciens, les acteurs. Ça peut sembler anodin mais c’est important ce lieu où les choses se disent et se règlent parfois plus vite qu’en réunion ! Que mettez-vous « ensemble » dans votre projet d’installation au Théâtre Dijon Bourgogne ? F.C. : Le premier texte de candidature que j’avais entretien envoyé au Ministère et aux différentes tutelles s’intitulait « N’oublier personne » : aucun auteur, aucun théâtre, aucun spectateur. Selon l’utopie du théâtre grec qui s’est inventé en même temps que la démocratie, il s’agit de faire en sorte que les deux continuent ensemble et que le théâtre rassemble la communauté et lui montre ce qui reste à faire. Le théâtre est un forum à la fois politique et poétique. A une échelle infinitésimale, dans notre projet d’installation, nous voulons montrer cet esprit et ce désir d’être « comme un ». Comment comptez-vous faire essaimer le théâtre dans la région ? F.C. : Notre désir est d’inventer de nouvelles formes de décentralisation, à la fois à l’intérieur de la ville, dans les quartiers, où il faut peut-être proposer des formes théâtrales inédites, et dans toute Khalid Tamer Festival au Féminin : la Goutte d’Or célèbre les artistes femmes Pour sa quatrième édition, le Festival au Féminin, qui s’enracine dans le quartier parisien de la Goutte d’Or, « éclaire (…) les relations qui se créent entre des femmes et des guerres – gagnées ou perdues, collectives ou personnelles ». Directeur artistique de cette semaine culturelle et militante, Khalid Tamer offre un espace de parole aux femmes en révélant un monde vivant et bigarré. Comment est né le Festival au Féminin ? Khalid Tamer : Suite à un voyage au Mali au cours duquel j’ai fait la connaissance de plasticiennes dont le travail m’a énormément touché. Il m’a semblé totalement incroyable que de telles artistes n’aient pas de visibilité en France. J’ai donc décidé de créer un événement autour d’elles pour faire connaître leurs œuvres et entendre leurs voix. Suite à cela, je me suis dit que j’allais continuer à m’engager pour tenter de porter haut la parole des femmes que d’autres souhaitent faire taire. Des femmes qui souffrent et des femmes qui créent. Ceci sans misérabilisme, en tentant simplement de montrer la beauté qui existe partout dans le monde. L’idée est donc de présenter la parole de ces femmes à travers leur parole artistique… Pour recevoir La Terrasse par internet, envoyez un mail à : la.terrasse@wanadoo.fr En objet : Recevoir La Terrasse Kh. T. : C’est ça. Ce qui m’interroge, c’est la femme dans l’art. Bien sûr, je suis un homme engagé et les artistes qui participent au Festival au Féminin le sont également. Cette semaine s’attache à dénoncer le manque de place faite aux femmes dans de nombreuses sociétés, ainsi que les violences dont elles sont victimes. Mais nous essayons de ne pas nous enfermer dans notre militantisme. Car notre engagement vise avant tout à placer la culture au centre de tout. Nous essayons de faire se rencontrer le militantisme et le culturel pour donner un sens à l’art. Pour moi, l’art est avant tout un acte politique. Pourquoi avez-vous choisi, pour cette quatrième édition, de creuser les relations entre les femmes et les guerres ? Photo : V. Arbelet |