22 DR VigilanS Hauts de France personnes qui sont littéralement sur le bord de la fenêtre. Il est évident que les deux ne peuvent être traitées de la même façon : d’un côté, l’écoute anonyme bienveillante peut apporter un réconfort et participer au retissage du lien social ; de l’autre, il s’agit d’envoyer les secours de toute urgence. Nous sommes favorables à ce numéro national si plusieurs conditions sont réunies : pour mettre en œuvre une prévention téléphonique efficace, il faut un système capable de parfaitement analyser la demande. Et donc, il faut au bout du fil des compétences, une organisation et un budget pour appuyer le tout. Enfin, il ne faut pas oublier l’utilisation par le public des territoires numériques (tchat, mail…) ; tout le monde n’utilise pas son téléphone pour appeler. S. A. : Quels sont les enjeux de la mise en place d’un tel numéro pour les structures adhérentes à l’UNPS, qui proposent un service d’écoute téléphonique ? M. F. : Les associations peuvent redouter un fonctionnement fondé sur la demande d’identité ou permettant d’identifier le numéro de l’appelant. Elles tiennent à ce que l’anonymat soit préservé ; il est un gage de confiance pour les échanges. Par ailleurs, qui recevra les appels au numéro national ? Quelles seront les compétences et les qualités des répondants ? L’analyse fine de la demande est indispensable pour ne pas médicaliser des personnes qui ne sont pas prêtes à passer à l’acte et ne pas perdre celles qui vont très mal. Sur quels relais vont s’appuyer les répondants nationaux ? Le risque est d’avoir un numéro qui centralise à l’excès et qui ne donne pas accès aux structures de prise en charge dans les territoires, au plus près de la personne. Pour que ces répondants aient une bonne connaissance du terrain, il leur faut une cartographie complète des ressources disponibles ; cela veut dire qu’au préalable, il faut que des chargés de mission dressent l’inventaire de ce qui existe et de ce qui fonctionne (ou non) dans les régions et qu’ils le maintiennent à jour. Et que celui‐ci soit plus détaillé que ce que l’on peut déjà trouver sur Internet. S. A. : Comment ce numéro national pourra‐t‐il venir s’articuler avec les dispositifs d’aide à distance gérés par les associations faisant partie de l’UNPS ? M. F. : Il est trop tôt pour décrire clairement une articulation entre les deux, le cahier des charges du numéro unique étant encore assez flou. Si ce numéro est efficient, le plus simple est que les appels aux associations soient transférés au numéro national, quand la situation paraît préoccupante aux yeux des bénévoles. Certains sont formés au repérage de la crise suicidaire. Cependant, il peut y avoir des problèmes de sur‐diagnostic ou de sous‐diagnostic, car les écoutants ne sont pas face à la personne. Pour ma part, je pense qu’il sera important de garder un continuumentre le nouveau système et les associations proposant de l’écoute téléphonique. Celles‐ci travaillent sur le lien et l’intégration sociale ; elles peuvent également apporter une aide différente aux patients suivis en psychiatrie, qui sont certes pris en charge médicalement, mais qui ne le sont pas forcément sur le plan de leurs autres besoins. Il me paraît tout à fait essentiel de permettre à ces structures de continuer à fonctionner. D’autre part, il ne faudrait pas que le repérage de la crise suicidaire devienne pour elles une obligation, prenant le pas sur le reste du travail d’écoute. On rendrait alors difficile le rôle des bénévoles. Or, l’écoute sociale qu’ils pratiquent au quotidien est une forme de prévention qui souvent évite, en amont, l’aggravation d’états dépressifs. Ces évolutions favorables – et souvent invisibles – ne sont malheureusement pas prises en compte dans l’analyse de l’évolution des situations. En restreignant l’écoute sociale, on mettrait alors en danger les personnes qui en ont besoin. La complémentarité entre les deux approches est indispensable et il est donc nécessaire de garder une fluidité dans la prise en charge. Nous pouvons craindre que la répartition des financements soit inadaptée à la complémentarité des interventions. Lors de l’écoute bienveillante réalisée dans le cadre des dispositifs d’aide à distance proposés par les associations, nous recueillons les besoins des appelants en termes d’écoute et d’aide. Nous devons être vigilants et argumenter auprès des pouvoirs publics afin que la réponse à ces besoins continue d’être financée. Propos recueillis par Nathalie Quéruel, journaliste. 1. Messagerie instantanée. LA PERSONNE INTERVIEWÉE DÉCLARE N’AVOIR AUCUN LIEN NI CONFLIT D’INTÉRÊTS AU REGARD DU CONTENU DE CET ARTICLE. |