LA CONDITION DE L'HOMME DE LETTRES. ANS l'émouvante lecture, qu'avec sa toute particulière compétence M. Georges Lecomte a consacrée à la condition de l'homme de lettres après la guerre, on a beaucoup remarqué l'espèce de mélancolie avec laquelle il a évoqué les temps où l'écrivain n'avait pas à compter avec les dures exigences du pain quotidien. L'écrivain d'aujourd'hui n'est plus pensionné par le roi et refuserait d'être attaché à la maison d'un riche protecteur ; alors il faut trouver une autre solution, en accord avec la force des choses qui a d'étranges retours. Une crise comme celle que nous traversons a du moins cet avantage, qu'elle dissipe toutes les illusions et fait affleurer les erreurs foncières. C'est un principe, admis dans la société issue de la Révolution, que le littérateur doit vivre de sa littérature. Conception d'une incontestable noblesse, mais qui a aussi ses dangers. De là vient que les meilleurs écrivains se voient contraints à cette production intensive, à ces travaux forcés de la copie, où l'art ne trouve pas toujours son compte. De là vient que beaucoup, un certain jour, renoncent à leurs plus beaux rêves de création et dérivent vers le journalisme : il faut vivre. Ce n'est rien encore. La vérité, qu'il ne sert de rien de déguiser, c'est que, dans la presque totalité des cas, la littérature ne nourrit pas son homme. Ni le poète, ni le philosophe, ni l'historien, ni le critique, ni aucun des écrivains qui traitent des innombrables variétés de la connaissance humaine, ne peuvent vivre de leur plume. Seuls y parviennent l'auteur dramatique et le romancier, — ou, pour mieux dire, quelques auteurs dramatiques et quelques romanciers. C'est le tout petit nombre. Ce sont des exceptions, à peu près négligeables par rapport à l'ensemble. Restent tous les autres. Tel est le fait. Plutôt que de l'admettre, on s'indigne, on récrimine ; mais le fait subsiste. Toute question d'argent se heurte aux lois économiques, contre lesquelles nulle considération de sentiment ou d'esthétique ne vaut. Et rien n'indique que le monde où nous entrons fasse mine de devenir le paradis des littérateurs. Pourtant la littérature ne doit pas périr. C'est donc que, — comme l'a démontré une récente enquête, — s'imposera de plus en plus à l'écrivain la nécessité de « l'autre métier ». Fonction, place, emploi, travail ou besogne, il lui demandera ses ressources d'existence, résolu à n'attendre de son oeuvre que les jouissances spécifiques de l'art et les satisfactions d'une vaine gloire. La Revue des Deux Mondes publiera dans ses prochains numéros : L'ÉCOLE DE DROIT, par M. H. Berthélemy, de l'Institut.— LA VILLA MÉDICIS, par M. Denys Puech, de l'Institut. — L'ÉCOLE DE GUERRE, par le général Debeney. — L'ÉCOLE CENTRALE, par M. Léon Guillet, de l'Institut. — L'ÉCOLE DES CHARTES, pal M. Maurice Prou, de l'Institut, etc. boute traduction ou reproduction des travaux de la Revue des Deux Mondes est interdite dane les publications périodiques de la France et de l'Étranger, y compris Sa Suède, la Norvège et la tlellande. |