566 REVUE DES DEUX MONDES. II. - PREMIERS TRAVAUX : DÉBLAIS, CONSOLIDATIONS ET FOUILLES Une si grande entreprise exigeait que l'architecte chargé de la conduire fùt doué des qualités les plus diverses : de la science, du goût, de la méthode et, par-dessus tout, un amour passionné de la vieille cathédrale. Établir un sage programme des travaux et s'y tenir opiniâtrément, malgré les critiques des impatients, allier à une profonde connaissance de l'art du XIIIe siècle l'esprit inventif d'un constructeur moderne qui, sans altérer le caractère de l'édifice ancien, n'hésite pas à utiliser toutes les ressources de la technique nouvelle, respecter jusque dans les moindres détails la structure,'les lignes, l'apparence et le décor du monument, se résigner à accomplir obscurément une tâche dont le public ignorera toujours les difficultés et les mérites, tout immoler, vanités d'artiste et rêveries d'archéologue, à la seule volonté de bien servir Notre-Dame de Reims, voilà tout ce qu'on attendait du nouveau « maitre de l'oeuvre ». On pouvait douter de rencontrer un tel architecte dans un temps qui préfère l'expédient et la prompte réussite au « long espoir » et aux « vastes pensées ». 11 s'est pourtant rencontré en la personne de M. Deneux. Tout le prédestinait à la fonction dont il a été investi par le service des Monuments historiques. Il est Rémois de naissance. 11 a fait son apprentissage en qualité de commis d'un architecte diocésain de Reims, et à dix-huit ans, il a été placé en permanence sur les chantiers de la cathédrale ; la même année, il envoyait au Salon des Artistes français un relevé des contreforts et des pinacles du sud. Attaché très jeune au service des Monuments historiques, il travaille dans le Nord, dans la Somme, à Paris ; mais invinciblement il revient toujours à sa cathédrale. Il l'étudie avec une attention inlassable et en fait une suite de très beaux dessins qu'il expose au Salon, presque chaque année : 1894, la face du portail occidental ; 1895, la perspective du même portail ; 1897, la façade latérale du Nord ; 1900, la charpente de l'abside ; 1902, la « galerie des rois » et ses vitraux, etc... Sa vocation s'est éveillée et son goût s'est formé sous les voûtes mêmes qu'il doit aujourd'hui relever. Les beautés qu'il ressuscite sont pour lui des amitiés d'enfance. Tous les problèmes de la |