556 REVUE DES DEUX MONDES. cales, ni modérées, ni socialistes, ni conservatrices, ni de droite, ni de gauche. Et dans les 500 villes, grosses communes ou centres de propagande où elles ont une couleur, il y a lieu de n'accepter que sous bénéfice d'inventaire le tableau peint par un artiste daltonien sur la commande de son ministre. Les statistiques enregistrant les succès du Cartel des gauches, communistes comptés à part, sont arrivées dès le lundi matin, et le lundi toute la journée, en paquets si pesants que le maquillage était visible, évidente l'intention de gonfler ces succès en triomphe, pour la justification du passé, la consolidation du présent, l'exhortation à l'avenir. Ce n'est qu'à partir du mardi que les prétendus défunts ont obtenu d'être dénombrés, et ils en est beaucoup qui ont repris vie. Mais le second tour a été mauvais. Le moins qu'on puisse dire, c'est, nous le constatons sans gloire, que les choses sont platement demeurées ce qu'elles étaient. C'est que le pays n'a pas eu le sursaut de révolte qu'il aurait dû avoir. C'est qu'il s'est assis ou couché et s'endort au bord de l'abîme. C'est, symptôme plus alarmant que tout le reste, qu'hébété et paralysé, le corps électoral ne réagit plus. ** Un autre indice que l'élection a usé toute sa vertu, si jamais elle en put avoir, est qu'elle est devenue sa fin à elle-même. Le candidat n'a d'autre passion que d'être élu, et l'élu d'autre souci que d'être réélu. Il n'est rien qu'ils n'immolent à cette obsession égoïste ; rien que le candidat ne dise, rien que le député ne fasse. Au lieu qu'on élise des représentants pour faire les affaires de la nation, on fait les affaires de la nation de façon à continuer à être censé la représenter. Ce qui est vrai de la Chambre, ou des Chambres, l'est aussi, aux plans secondaire et primaire, dans le département et dans la commune. L'élection est partout, elle y est toujours ; tout un mondé vit à l'état de candidature perpétuelle ; et autour de lui, à cause de cela, tout un autre monde, plus vaste encore, à l'état de mendicité et de servilité perpétuelles. C'est ce qui constitue proprement l'électorite. Et c'est un mal terrible, à la longue mortel Que faire ? La principale difficulté tient à ce que le suffrage universel est en France un fait vieux de trois quarts de siècle au moins, |