502 REVUE DES DEUX MONDES. par le fait même de leur mouvement. Cette première proposition vous semble-t-elle acceptable ? Je reconnus qu'on pouvait admettre cette hypothèse. Ses mains levées d'une façon qui signifiait : « A la bonne heure 1 » l'égyptologue reprit : Les molécules des fluides vibrent avec une prodigieuse énergie et une vitesse formidable dans toutes les directions, tandis que les molécules des corps solides, oui, même celles de l'acier, frémissent perpétuellement autour d'une position moyenne. Ce bois de votre siège, cette stèle en diorite vieille de cinq mille ans, ce sarcophage en granit rose, six fois millénaire, le lapis-lazuli de ce collier, le grès de cette voûte médiévale, se meuvent, palpitent, frémissent indéfiniment, quoique leur mouvement, qui est de la vie, reste invisible à nos yeux imparfaits. Donc nous évoluons parmi la vie des choses dont le dynamisme, le magnétisme, le rayonnement, pour obscurs et secrets qu'ils nous restent parfois, n'en sont pas moins réels, patents ! C'est donc une erreur de vouloir partager la nature en corps animés et inanimés, quand tous, à des degrés différents, rayonnent, respirent, se meuvent, agissent, nous influencent et déterminent tous les mouvements d'amour ou de &laine, de bonheur ou de souffrance de l'humanité. « A la vérité, les hommes, à certaines heures, subissent plus ou moins vivement des mouvements internes qui font parfois explosion en eux. Après coup, les historiens cherchent des explications à ces immenses et inutiles destructions de jeunesse, d'amour, de beauté. L'invisible vie des atomes, formidable et irrésistible, seule, est la cause de ces cataclysmes dont les peuples broyés se réveillent comme d'un atroce cauchemar. Quelle épouvante de savoir que ce dynamisme qui ne cesse pas et ne peut pas cesser, concourt aussi bien aux effroyables destructions qu'aux reconstructions 1 Ainsi, tenez, docteur, un cas... L'égyptologue s'était retourné vers sa femme qu'il avait oubliée dans la chaleur de son explication, lorsqu'il gémit en se relevant d'un bond : Oh ! ma petite Jenny 1 Livide, Mme Harberger avait perdu conscience. Était-elle morte ? Quelle réponse dérisoire à cette apologie de la vie universelle ! J'obligeai le savant, effrayant de désespoir, à me laisser soigner sa femme. Tombée en syncope, Jenny gardait |