716 REVUE DES DEUX MONDES. Après tout, il a peut-être raison de mentir, s'il se trouve des gens disposés d'avance à se laisser convaincre. En France, l'effet produit est nettement mauvais : déplorable méthode, fausse route ! Nous le disons à l'adresse des Allemands de bonne volonté, notamment des catholiques de la Germania ; qui ont le mérite de chercher un terrain de rapprochement avec les Français : renoncer à ergoter sur le passé, rechercher franchement les points où les intérêts des deux pays, notamment les intérêts économiques, peuvent s'accorder, voilà tout ce qu'il est possible et utile de tenter : à chaque jour suffit sa peine. Le discours de M. Stresemannapporte, dans les échanges de vues qui se poursuivent entre M. Chamberlain et M. Briand, un élément nouveau : la certitude que l'Allemagne cherchera à reviser, à son avantage, le traité de Versailles, et à obtenir le remaniement de ses frontières orientales et la réunion de l'Autriche au Reich. Cette double perspective préoccupe, à juste titre, M. Chamberlain, et inquiète même les journaux les moins favorables à une coopération avec la France. Il se produit, dans l'opinion britannique, une hésitation, un flottement. L'Angleterre ne veut pas s'engager à intervenir en Europe centrale et orientale ; et pourtant, elle sent que la France a raison de ne pas permettre qu'on touche à l'édifice de la nouvelle Europe, et que son honneur et son intérêt l'engagent à s'entendre avec nous pour le maintien des traités. Les préférences de M. Briand sont pour le protocole de Genève, c'est-à-dire pour une sécurité fondée sur l'arbitrage obligatoire, avec la garantie de la Société des nations ; mais il se heurte à l'opposition du Gouvernement britannique. Cette solution écartée, la France souhaite une entente à trois, avec l'Angleterre et la Belgique, combinaison qui avait aussi la sympathie de M. Chamberlain, mais qu'il s'est vu obligé d'abandonner pour se rallier au projet de pacte collectif auquel participerait l'Allemagne. M. Briand pousse le désir d'une entente jusqu'à ne pas rejeter le projet de pacte avec l'Allemagne, mais il a précisé, c'est l'objet du projet de réponse à l'offre allemande dont il a communiqué la teneur à tous les Gouvernements alliés et qui a été favorablement accueilli par eux, — que l'Allemagne ne pourra être admise à participer à un tel pacte que s'il est bien entendu que les frontières du traité de Versailles sont intangibles, et si l'Allemagne est préalablement admise, sans conditions, dans la Société des nations. La France n'admet qu'un pacte qui accroisse les sécurités que lui donne le traité sans les amoindrir en rien. L'Angleterre comprend qu'elle se doit à elle-même, qu'elle doit |