710 REVUE DES DEUX MONDES. vivent que de leurs troupeaux, de maigres cultures et du travail de leurs bras qu'ils vont louer chaque saison en Oranie ou dans les plaines du Maroc atlantique. Pirates sur mer, pillards sur terre, ils l'ont toujours été chaque fois qu'une bonne police n'a pas comprimé leurs instincts de proie et de sang. Ils n'ont jamais été soumis que nominalement au Sultan du Maroc qui se contentait, — comme il le fait aujourd'hui avec l'aide des Franeais, Franc : — de protéger le travail des tribus et des villes de la plaine contre leurs incursions. Il n'est pas exact que l'occupation de la vallée de l'Oued Ouergha, réalisée l'année dernière par le maréchal Lyautey, ait privé les Rifains de plaines fertiles nécessaires à leur subsistance ; la vallée de l'Ouergha suffit à peine à la subsistance des tribus qui la cultivent et qui demandaient elles-mêmes la protection du Magzhen contre les razzias des montagnards. Comme pillards, nous avions la charge de les évincer ; comme clients, ils seront toujours les bien venus sur les marchés de l'intérieur. C'est la guerre qu'ils mènent contre nous qui prive les Rifains des salaires et des marchés qui les faisaient vivre ; et c'est par là que nous les ramènerons à l'ordre et à la paix. Abd-el-Krim a beau proclamer l'indépendance de la République du Rif, il n'aura jamais, sur les tribus de la montagne, qu'une autorité précaire, établie par la violence et la terreur, et qui ne survivrait pas à la perte de son prestige militaire ; il n'y a jamais eu, il n'y a pas, il n'y aura jamais d'État rifain : c'est de la poudre aux yeux des dirigeants de la II1e Internationale. Abd-el-Krim, malgré son intelligence et son audace, ne serait rien, s'il n'était soutenu de l'extérieur : et c'est ce qui fait la grandeur tragique et l'importance mondiale de la lutte qu'il a engagée. Dans l'effervescence générale que la grande guerre et la défaite des Grecs ont suscitée dans tout l'Islam, Abd-el-Krim a entrevu, ou on lui a fait entrevoir, un grand rôle. D'autre part, le bouleversement général du vieux monde, qui est le rêve du bolchévisme, ne peut réussir que si la III° Internationale,qui n'a subi que des échecs en Europe, s'attaque aux empires coloniaux de l'Angleterre et de la France. La grande destruction commencerait par l'Afrique du Nord où les populations sont assez énergiques pour devenir les instruments de la politique de Moscou. Abd-el-Krim, grisé par ses victoires sur les Espagnols, rêve de marcher sur Fez, de rallier à lui les tribus encore insoumises avec tous les éléments de désordre et de se proclamer sultan. Il a des agents dans toute l'Afrique du Nord, en Algérie, en Tunisie, en Égypte et jusque chez les Turcs d'Angora, chez les Musulmans de |