"102 REVUE DES DEUX MONDES. Il en sortait, et fit sa médecine. Docteur en 1800, il fut l'année suivante nommé l'un des médecins de l'hôpital Saint-Louis, publia ses Nouveaux essais de thérapeutique et se mit à une étude qui l'occupa toute sa vie, celle des maladies de la peau. Il s'était marié en 1799 ; mais il avait perdu sa femme au bout de quelques mois et, — on le racontait, — rendu la dot à son beau-père. Il était, en 1806, médecin de l'Opéra-Comique ; et, Marceline, attachée à ce théâtre. Elle gagnait quatre-vingts francs par mois. Elle avait son petit appartement « sous la tuile », rue des Colonnes. Elle a toujours rêvé d'habiter au deuxième étage et n'y est point arrivée. Faute d'argent pour manger à sa faim, la pauvre fille s'anémie, tombe malade et va trouver, rue de Savoie - Saint André des Arcs, le docteur Alibert S'il mérite la renommée d'un grand médecin, ce n'est pas sûr. Il a été premier médecin de Louis XVIII et de Charles X et, en 1827, reçut le titre de baron « pour ses bons et loyaux services pendant le règne de la maladie » du précédent roi. On le considère comme le fondateur de la dermatologie, mais on n'a pas l'air de l'y admirer beaucoup. Ses travaux sont à peu près oubliés. Il aurait pu ne travailler guère et, s'il dure, c'est pour avoir montré de la gentillesse à une petite chanteuse d'opéra comique, Mue Desbordes. Il était la bonté même. Il n'était pas beau, mais « gros, court, brun », d'une laideur pourtant « spirituelle et animée ». Ce qu'il avait qui plaisait à ses élèves, à ses malades et à tout le monde, « un son (le voix enchanteur », dut ravir Marceline. Elle était sensible à une belle voix ; l'on citerait une quantité de ses vers qui le prouvent : Quand ta voix saisissante atteint mon souvenir... Si tu n'as pas perdu cette voix grave et tendre... Éveille un peu ta voix que je voudrais entendre ; Elle manque à ma peine, elle aiderait mes jours... Pareille à l'espérance en d'autres temps rêvée, Ta voix ouvre une vie où l'on vivra toujours. Par sa bonté, sa belle voix, le docteur Alibert fit impression, dès la première fois qu'elle le vit, sur Marceline. Dans le recueil de 1819, où parut sans dédicace Reprends ton bien, il y a aussi un poème intitulé le Souvenir, dédié à M. XXX : Votre main bienfaisante et sûre A fermé plus d'une blessure. Partout votre art consolateur semble porter la vie et chasser la douleur... |