694 REVUE DES DEUX MONDES. une Vue de rentrée du petit bois du Chatelier, près Montlouis de Touraine (n°142) par Houe !, son contemporain, un paysage d'eaux, de ciel, d'étendue, d'îlots plats et sales, annonce que l'idée de l'espace et de l'air hante les artistes. Celle aussi des ombres lumineuses, du contre-jour et de la poésie des lointains indistincts préoccupe un élève de Demachy, Moreau, dit l'aîné., Il y a, ici, de lui, un petit tableau très curieux, intitulé Paysage d'lle-de-France (n°218). Il ne contient ni portants, ni repoussoir, les lignes sont toutes simples, les terrains nus, pour tout objet un mur long et bas, et au loin, un double contre-jour formé par des coteaux boisés, le premier d'un vert sombre avec les crêtes des arbres dorés par lesoleil, le second lumineux, d'un gris très fin, et derrière cet écran, le soupçon d'un ciel d'or. A côté, la Vue d'une plaine (n°215), de ce même Moreau l'aîné, parait aussi pénétrée d'un sentiment tout moderne. Mais tout cela est rendu par un métier à peu près classique encore. Pour trouver un métier nouveau, il faut venir jusqu'à Georges Michel, le poète des paysages montmartrois, l'explorateur des forêts de l'Ile-de-France. C'était un curieux typo d'artiste que ce Georges Michel, l'ami de Bruandet, le premier paysagiste français, à notre connaissance, qui ait porté son attirail de peintre, ses châssis, ses vessies, en pleine campagne et se soit installé des heures en face de la nature, à l'interroger. Son compère, Bruandet, n'est connu et ne mérite de l'être que par le mot de Louis XVI rentrant de la chasse en forêt de Fontainebleau : « Nous n'avons rencontré que des sangliers et Bruandet. » Et de fait, malgré sa passion pour la nature véritable, Bruandet, si l'on regarde sa Vue prise de la mare d'Auteuil (n°39), nous apparaît comme un copiste et un très mauvais copiste de son successeur Théodore Rousseau. Mais regardez une toile de Georges Michel, son Orage (n°206) : pas de composition, pas de « sujet », une route blanche plàtreuse, gypseuse, sous un nuage noir. Pas de repoussoir, pas de portants, une facture large et grasse. Le paysage classique a disparu. Le paysage moderne est né. Voyez cette Plaine avec des moulins et ce Paysage avec un moulin à vent (n°20l). C'est presque un Constable. Cela viendrait-il de Constable en vérité ? 11 est très difficile de faire la part de l'influence anglaise et même de dire s'il y en eut une, à ce moment-là, sur l'art renouvelé de nos |