678 REVUE DES DEUX MONDES. tente d'un ou deux types de fourches, ou de portemanteaux pour ses branches, et de dentelle pour ses feuillages : il les grandit en les répétant et en affaiblissant chaque fois le peu de vérité qu'il y avait dans le trait primitif. Ce qui restera, ce sera la formule du beau feuillé, mille et mille fois répétée, découpée comme avec des ciseaux, le 3 333 du chêne, par exemple, et appliquée en sombre sur le fond clair. Quant au tronc, il n'en a nullement étudié les divers mouvements, et il se contente d'en faire un soutien plausible pour son paquet de verdures. Or quiconque n'aura pas d'abord étudié profondément, passionnément, la structure interne, ni les mouvements de l'arbre, ne rendra pas la vie qui circule jusqu'au bout extrême de la dernière foliole indistincte dans le ciel. « Je vais à l'écorché » disait Corot, devant les arbres, en hiver. N'y a-t-il pas, pourtant, des choses qu'on peut voir, observer, comprendre, dessiner uniquement par le dehors ? Sans doute : ce sont les objets de fabrication humaine, qui, eux, ont reçu leur forme par le dehors et n'en changeront plus : une maison, un pont, une amphore, une crédence, une draperie, même une machine, des choses sans anatomie profonde, sans ressort interne, et qui n'ont ni mouvement spontané, ni structure changeante et variable. Là où il n'y a pas de principe vital, il n'y a pas de structure interne utile à connaître pour la figurer. Un objet fabriqué de main d'homme et quelle que soit son importance, ou sa force extérieure ou même son mécanisme intérieur, comme il a été façonné par une cause extérieure, peut se comprendre esthétiquement et se dessiner par l'extérieur. Toute chose naturelle, au contraire, a revêtu ses formes d'après un principe interne agissant, jusque dans ses plus extrêmes ramuscules. Elle peut être conditionnée aussi, au contraire, par des influences extérieures : cet arbre a poussé toutes ses branches de ce côté pour chercher l'air et le soleil, cet autre s'est penché pour résister au vent dans un terrain où il ne pouvait solidement se tenir debout. i\lais ce sont là des forces naturelles, aussi, qui ont leurs lois et qui n'agissent pas au hasard. Or, précisément, ces influences extérieures sont pratiquement ignorées des classiques. L'habitat et les lois de la croissance, comme la structure de la plante, leur sont indifférents. Ils mettent tel arbre là où il lui est impossible de pousser, par exemple des chênes tout à plat sur une grève marine, baignés |