REVUE DES DEUX MONDES. sont des constructions tout arbitraires faites de matériaux qu'on est bien allé chercher au dehors et dans la nature dite « inanimée », mais rendus plus inanimés encore, quasi méconnaissables et tout glacés par le génie de l'auteur. Quant à l'étude attentive de la Nature, la sympathie pour sa vie secrète et multiple, la notation de ses phénomènes passagers et de ses effets subtils, le sens de son intimité, de son travail incessant et universel, de sa fécondité, de son renouveau, de ses langueurs, la révélation ou au moins l'appréhension de son mystère et tout ce qu'il comporte d'infini, c'est presque toujours absent. Mais pas toujours 1 Quelques rayons précurseurs filtrent çà et là au travers de l'épais rideau tendu par les classiques devant la Nature, pendant deux siècles jusqu'à Corot et l'école de Barbizon, et ces lueurs, si rares qu'elles soient et si fugitives, doivent être retenues, quand on veut, du renouveau de la pensée française et de l'Art français en face de la Nature, se faire une juste idée. Ici, les peintres de Barbizon, les Rousseau, les Millet manquent, comme aussi Paul Huet, et l'on s'en étonne un peu, si l'on veut encadrer tout ceci uniquement dans des dates. La plupart de ces maîtres sont morts avant Corot, et aucun ne lui a survécu. Mais ils étaient nés après lui et, d'ailleurs, ce n'est pas le paysage français jusqu'en 1815, dernière année de Corot, qu'on a voulu montrer, mais bien une école du paysage français, l'école classique. Corot figure donc ici comme le dernier des classiques, opinion à peine défendable, à considérer sa composition et son dessin, tout à fait insoutenable à considérer sa couleur et sa facture, qui font de lui bien plutôt le premier des modernes. Toutefois, telle qu'elle se présente et dans les limites choisies par ses organisateurs, cette galerie de maîtres permet de définir entièrement le Paysage classique. Quelles sont les lois qui en ont régi la composition, le dessin, l'éclairage, la valeur, la couleur, la facture, pourquoi elles ont dominé l'Art si longtemps, comment et quel jour elles furent abandonnées : tels sont les points qu'une visite au Petit Palais, par une belle journée de juin, à la claire lumière des Champs-Élysées, nous permettra de fixer. Nous verrons, en passant, s'il est vrai, comme l'insinuent ou l'enseignent même parfois les historiens d'art, que le paysage moderne était contenu en puissance dans le classique, ou bien s'il n'y eut pas au contraire « mutation |