490 REVUE DES DEUX MONDES. la Sernelhes, où les sifflements plaintifs du bois humide en combustion m'assuraient seuls que je n'étais pas descendu dans un souterrain pharaonique. Autour de moi des copies de « livres des morts » des différentes dynasties étaient exposées avec une abondance presque fatigante. Spectacle d'autant moins réjouissant que la lampe à acétylène qui brûlait en plein jour ajoutait à l'impression d'une veillée funéraire. Enfin Philippe Harberger revint vers moi. Il semblait préoccupé. D'une voix pleine d'une douceur mélancolique, assez inattendue, il m'avertit que Mme Harberger lui avait donné la fâcheuse surprise d'une défaillance, alors qu'il l'avait laissée pleine de courage. Votre visite était donc absolument nécessaire, docteur, et je ne regrette plus votre dérangement, termina-t-il en appuyant sur moi un regard angoissé. A ce moment, une crispation de son large front fit mouvoir sa chevelure en crinière de lion qui descendit vers ses sourcils roux. Il reprit d'une bouche amère : Tout à l'heure, j'avais peut-être exagéré mon sentiment de confiance. J'avoue que la fragilité de ma femme m'inquiète depuis quelques mois. D'ailleurs me serais-je décidé à m'établir sur cette montagne sans agrément, si sa situation ne m'avait pas semblé la plus propre au rétablissement de la poitrine de ma chère malade. Délicate, elle souffrit beaucoup de la température à la fois torride et humide des bords du Nil où mes fouilles nous retinrent quinze années. Trop tard, je me suis rendu compte que l'Égypte la consumait. Il nous fallut quelques graves avertissements : syncopes, hémoptysies, pour nous décider au départ. Malgré notre passion pour nos études, nous dûmes nous décider à une cure d'altitude. Un professeur de mes correspondants, à Toulouse, m'avait signalé l'Ariège et ce castel. Nous avons donc abandonné nos fouilles de Saqqarah, la mort dans l'âme, car un passé vertigineux reste à découvrir là-bas, et nous nous sommes installés à la Sernelhes. Comme notre établissement doit être durable, j'ai fait venir mes collections, afin de pouvoir continuer mes travaux. Les bras croisés sur son vigoureux torse, le savant, les yeux mi-clos, et une légère roseur aux joues, ajouta sur un ton d'ardeur contenue : Avec ma science, ma femme est tout pour moi. Si les |