488 REVUE DÉS DEUX MONDES. nourri, il paraissait chétif en proportion de ce foyer de plusieurs mètres de largeur et hauteur. Je n'aperçus presque aucun mobilier, j'entends par là les sièges, tables, armoires ou bahuts accoutumés. En revanche, de nombreuses vitrines abritaient des pierres, émaux, bijoux, tablettes d'argile ou de métal, et surtout des poteries, canopes, vases et amphores. Suspendues aux murailles sur des tringles, à la façon des cartes géographiques, quelques toiles peintes représentaient la vie antique au bord du Nil. Des estampages, pris sur les bas-reliefs des chambres funéraires de Saqqarah ou de Thèbes, reproduisaient les scènes les plus propres à réjouir la vue d'un Égyptien mort : moisson aux épis gigantesques, danses harmonieuses, troupeaux prospères, pêche miraculeuse, promenade en barque sur un lac, chasse fabuleuse, basse-cour aux oies gavées. Plusieurs stèles, aux hiéroglyphes précieusement burinés, occupaient les angles. La pièce la plus importante de ce musée me parut être un sarcophage anthropoïde dont le couvercle retiré avait été remplacé par un tissu de soie reproduisant un jugement des morts. Comme je ne pouvais dissimuler ma curiosité, M. IIarberger s'écria : Ah 1 mon habitation semble vous surprendre, docteur ? Je vous avouerai que je me suis épris de ce vieux fort montagnard parce qu'il ressemble à une construction des Pharaons. Et sa situation m'a paru convenir à une cure d'altitude... Venez donc vous asseoir devant ce feu ; vous devez être glacé. Ah l il faudrait vous trouver un fauteuil. Que sont-ils devenus ? J'ai la mauvaise habitude d'utiliser les sièges comme étagères d'exposition. Je les vois tous encombrés de mes pierres et vases. Il fit basculer une chaise à plateau de bois afin de la débarrasser d'une palette de schiste portant gravés des faucons et des lions en chasse, et me l'offrit en s'excusant de son manque de confortable. Ah 1 c'est qu'ici comme en Égypte nous sacrifions tout à nos recherches, à nos travaux. Car nous ne vivons guère dans le siècle, ma femme et moi, et je crains que nous ne soyons les contemporains de Chéphren, ce qui nous donnerait au moins cinq mille ans d'âge. Alors, comment s'intéresser aux fauteuils « bain de cuir » ? Il rit, d'un rire un peu forcé. Néanmoins, sa gaîté, même |