648 REVUE DES DEUX MONDES. Karakhan donna aussitôt la réplique à Sun-Yat-Sen, dans un discours prononcé à Pékin, qui célébrait le service immense que Lénine était appelé à rendre à la Chine : « Je vous prie de bien remarquer que si Lénine a pu affranchir le prolétariat russe, son action ne s'est pas bornée à ce premier résultat. Il a été, de plus, le sauveur de plusieurs pays opprimés, la Turquie, la Perse et autres. Tous les grands mouvements socialistes des dernières années et leurs succès furent son oeuvre. S'il avait vécu, il se serait occupé de libérer tous les peuples de l'Orient, écrasés par le capitalisme, et tout spécialement les pauvres prolétaires de la faible race chinoise, qui se débattent dans les pires difficultés. Fidèle à l'idée de Lénine, je m'appliquerai tout entier à les relever, à les guider, à les tirer de leur ténébreuse misère à la paisible lumière. La Chine doit, elle aussi, devenir un séjour de paix et de bonheur. Elle a été éteinte par la mort, la brillante étoile qui nous guidait. C'est un grand malheur pour la Russie, un malheur plus grand encore pour la Chine. Mais la pensée de Lénine survit et continuera à briller dans le monde (1). » Comme on le constate, une fois de plus, Karakhan ne se soucie guère du protocole diplomatique. En présence du Gouvernement de Pékin il s'engage à continuer l'action révolutionnaire de son chef et à réaliser son idéal d'émancipation prolétarienne. C'est en face de cette oeuvre que nous nous trouvons aujourd'hui, et il ne faut pas se dissimuler qu'elle menace gravement le Gouvernement chinois et la situation des Puissances en Chine. Il semblait, jusqu'à présent., que l'on pouvait compter sur la fermeté du PrésidentTuan-Chi-Jiu pour refouler la pénétration bolchéviste et dissoudre ou s'annexer les forces de l'État du Sud, privé de chef, depuis la mort toute récente de Sun-YatSen. Mais voici que les dernières nouvelles de Pékin nous apprennent que le maréchal Feng-you-Hsiang, qui n'en est pas (1) Le culte de Sun-Yet-Sen pour Lénine s'est manifesté sous une forme encore plus expressive que les discours. Conformément au désir qu'il avait exprimé avant sa mort, Sun-Yat-Sen devait étre enterré dans un cercueil en argent venu de Moscou, fidèle représentation de celui de Lénine. Mais ce fut un grand désappointement, car le cercueil envoyé par les soviets n'était qu'une mauvaise contrefaçon, en un autre métal. |