644 REVUE DES DEUX MONDES. Un autre incident, de plus grande envergure, devait mettre aux prises Karakhan et les représentants des Puissances à Pékin. Dès son arrivée, le représentant des Soviets avait fait connaître son point de vue au sujet du chemin de fer de l'Est Chinois sur lequel la Russie et la Chine invoquaient des droits qu'il s'agissait de définir. Nous rappelons que cette ligne, dite Transmandchourien, est celle qui, par Kharbine, prolonge le Transsibérien jusqu'à Vladivostock. Les bolchévistes, si ennemis soient-ils de l'ancien régime, ne pouvaient oublier que le chemin de fer de l'Est chinois était une immense entreprise exécutée avec le concours de la Russie, à l'époque du tsarisme ; aussi avaient-ils la prétention de la transformer en un bien soviétique sur la terre chinoise. Pour Karakhan, la question se pose comme suit : Le chemin de fer, ayant été construit par le travail et avec l'argent des Russes, leur revient comme entreprise commerciale ; mais le terrain sur lequel il est construit appartient en entier à la Chine, pour laquelle la ligne a un intérêt capital. Le droit russe sur le chemin de fer et le droit chinois sur le terrain qu'il occupe doivent donc être conciliés à la satisfaction des deux pays. En tout cas, aucune tierce partie ne saurait être fondée à s'immiscer dans les affaires du chemin de fer de l'Est, où la Russie et la Chine sont seules intéressées. C'est de cette affirmation qu'est né un nouveau conflit avec les Puissances qui prétendent avoir, elles aussi, un mot à dire sur une question d'ordre international, que l'absence de la Russie n'a pas permis de résoudre définitivement à la Conférence de Washington. La France revendique à juste titre, ses droits sur l'exploitation d'un réseau construit avec de l'argent français et elle a fait admettre ce point de vue par l'Angleterre et les États-Unis, dans la séance plénière de cette Conférence du 4 février 1922. D'autre part, la Chine, par la voix de son ministre des Affaires étrangères, soutient que c'est là une affaire purement chinoise, dans laquelle la France n'a pas à intervenir, mais que les droits des tiers ne seront nullement compromis dans le cas d'un accord sino-russe. Cet incident, qui a mis aux prises la Russie et les Puissances, n'a pas encore reçu sa solution, chaque intéressé ayant réservé ses droits. Néanmoins, la diplomatie de M.L. Karakhan s'attribua un premier succès en faisant insérer, dans un projet |