626 REVUE DES DEUX MONDES. et pouvait faire sembler nécessaires les précautions à prendre contre eux, c'est qu'ils n'étaient pas unanimes dans leurs projets d'union monarchique. La Duchesse d'Orléans n'avait pas voulu s'y joindre, prétextant qu'on n'avait pas le droit de transiger sur un point si important, au nom d'un mineur comme son fils, en réalité pour ne pas renoncer à la très vaine espérance de le voir régner et de régner elle-même sous son nom. Pour bien marquer son abstention, elle avait quitté le château de Claremont, en Angleterre, où vivait toute la famille, pour aller demeurer à Eisenach, en Allemagne, seule avec ses enfants et leur précepteur. J'ai dit ce que je pensais des rares qualités d'âme et d'esprit de cette princesse. Mais égale et, en certains points, pareille au Comte de Chambord, par un sentiment élevé de sa dignité, elle lui ressemblait aussi par l'absence complète de sens politique. Nous étions pris en réalité entre deux royalismes intransigeants, qu'on ne pouvait décider, ni de part ni d'autre, à aucun sacrifice. La combinaison était pourtant tellement désirée par les vaincus parlementaires du 2 décembre, en particulier par les généraux exilés, Changarnier, Lamoricière, et Bedeau, qu'on essaya encore de la reprendre l'année suivante. Cette fois, on voulut éviter les pourparlers inutiles, et on proposa de faire rencontrer les représentants des deux familles pour se remettre dans des relations de bonne parenté, sans autre engagement de part ni d'autre, que l'expression d'un désir commun, et le dessein de s'entendre quand l'heure viendrait pour le rétablissement de la monarchie. Dans ces conditions un peu bâtardes, il y eut en effet une visite du Duc de Nemours à Froshdorf, où l'accueil fut amical, et pendant quelque temps les relations furent reprises sans qu'on se fùt expliqué sur le fond de la situation. Ce qui est équivoque ne dure guère, surtout dans un temps de publicité où on est en butte aux questions et aux commentaires des journaux. Le Comte de Chambord, bief qu'il sût parfaitement qu'aucun engagement n'avait été pris à son égard, ne résista pas à la tentation de donner à la visite de son cousin une signification qu'elle n'avait pas. Il fallut, de l'autre côté, expliquer, rectifier : de là nouvelle rupture et la situation fut pire qu'auparavant. Entre temps, une visite faite par le Comte de Chambord |