618 REVUE DES DEUX MONDES. a peinte de couleurs de fantaisie, après avoir commencé par avertir qu'il n'avait rien vu lui-même, attendu qu'étant partout, il n'était nulle part : manière assez originale de dire qu'il avait eu assez d'empire sur 1ui-même pour se tenir à l'écart des périls auxquels aurait pu l'entraîner son courage. La vérité est que le peuple, le véritable, celui qui n'était enrôlé dans aucune secte, applaudissait, au fond de l'âme, au coup de force dont les classes éclairées, représentées par l'Assemblée, étaient victimes. Était-ce l'effet du nom de Napoléon, encore puissant sur les imaginations ? Était-ce la vanité satisfaite par le rétablissement du suffrage universel ? Était-ce le plaisir de voir humilier des supérieurs ? Je croirais plutôt que c'était l'empire que le spectacle d'un coup de force bien accompli exerce sur les esprits grossiers. La force, qu'elle vienne d'en haut ou d'en bas, est toujours bien vue du grand nombre. Ce qu'il aime le moins, c'est la loi. Quoi qu'il en soit, la journée, d'abord un peu incertaine en raison de l'attitude froide de la population, qui incertaine ellemême attendait l'événement pour se décider, fut aisément gagnée, et dès le lendemain, on apprenait que des mouvements analogues, mais ceux-là avec une couleur tout à fait socialiste, avaient éclaté dans les provinces, dans les Basses-Alpes et dans le Var, et dans quelques villes du Nivernais. A Clamecy en particulier, je ne sais s'il faut dire les insurgés, car ce n'était pas la loi, mais une illégalité au contraire contre laquelle ils protestaient ; cependant quel autre nom leur donner ? furent un instant maîtres de la ville, et se livrèrent à des pillages et à des massacres. C'en fut assez pour jeter partout l'épouvante et faire bénir la force armée, qui vint à temps mettre fin à ces scènes de violence. 11 semblait que ce fût un coup d'oeil jeté sur le fond d'un abime entr'ouvert où nous allions tomber, si la main énergique d'un sauveur n'était venue nous arrêter sur le bord. On ne se demanda plus qui était l'agresseur, du pouvoir ou de ceux qui lui résistaient, et à ceux mêmes qui voulaient faire cette distinction, on répondait que cette question de précéder. ce importait peu, que les insurrections étaient toutes préparées déjà pour la date fatale de 1852, et que le Président n'avait fait que prendre les devants, ce qui en guerre est toujours légitime, et quelquefois nécessaire. Le malheur, c'est qu'il y avait une part de vrai dans ces assertions.: |