588 REVUE DES DEUX MONDES.comme tel, simplement, à coeur ouvert. N'est-ce pas, « petit rien » ? VALÉRIA, rassérénée, avec joie. Oui, oui I LIVIO. Aura-t-il bien senti, dans son éloignement, que les portes de notre maison étaient restées, en l'attendant, — ouvertes pour lui ? VALÉRIA. Il le sentira, au premier regard. LIVIO. Quand nous nous sommes séparés, pour aller chacun vers notre destin, il me faisait encore des signes du haut du bateau qui l'emmenait au loin et me promettait de revenir un jour me demander un peu de repos dans ma maison... « si nos coeurs n'avaient pas changé... » VALÉRIA. On dirait les paroles d'un apôtre. LIVIO. C'est un apôtre, tu verras, même d'aspect. Il a autour du front comme une auréole de lumière. Il sourit, rarement, d'un sourire d'enfant et dit des vérités qui rendent triste. VALÉRIA. Il y a donc des vérités qui rendent triste ? LIVIO. Oh I oui. Sans doute les plus belles (Valéria est toute troublée ; elle tourne la tête.) Que regardes-tu ? VALÉRIA. Si l'ombre s'est étendue sur notre Montagne. Tu as vu, du pied à la cime... mais c'était un nuage qui s'est déjà dissipé. Regarde. (Souriant). Notre illoulagne elle-même s'apprête à recevoir l'hôte dans sa plénitude de lumière. Pense donc : il est en route. Chaque minute le rapproche de nous (Avec une vivacité un peu forcée) et bientôt nous le verrons poindre sur la route blanche. (Avec une profonde tristesse.) Je te vois heureux comme je ne t'ai jamais vu. (Avec une joie forcée.) Et quand il apparaîtra, nous le saluerons de loin et puis nous entendrons son pas sur le gravier, près de la grille. Ne te semble-t-il pas déjà l'entendre ? |