IJ ADIEU AU GÉNÉRAL MANGIN N maitre de l'histoire retracera pour nos lecteurs l'éblouissante carrière de celui qu'une mort soudaine vient'd'enlever à la France, quand'elle avait, autant que jamais, besoin de cette grande force nationale. Ce n'est ici que l'adieu de la Revue au collaborateur et à l'ami. Nous savions tous quelle large part lui revient dans la victoire. Lui qui devait se voir, en pleine guerre, par une sinistre ironie, enlever son commandement, c'est lui qui partage avec le général Nivelle, — si injustement traité et mort de chagrin, — la gloire d'avoir sauvé Verdun. C'est lui qui, en reprenant Douaumont, a ramené dans nos rangs le soleil des grandes espérances. C'est lui qui, en déclenchant l'offensive du 18 juillet 1918, a donné le signal de bouter l'ennemi hors de France. La guerre terminée, il avait beaucoup de choses à nous en apprendre : il choisit la Revue pour dire ce qui pouvait être dit. Dans la série d'articles, si précis et si clairs, parus sous ce titre : Comment finit la guerre, il a établi, avec une autorité à laquelle ajoutait encore la modération des jugements, que la guerre aurait pu finir un an plus tût : nous savons aujourd'hui quelles conséquences nous eussent été ainsi épargnées. Puis ce furent les splendides évocations du voyage Autour du Continent latin, par celui qui venait d'être, auprès de toute la Latinité d'Amérique, le bon ambassadeur de la France. On était ravi de découvrir, chez cet homme de guerre, un art du récit, une aisance d'exposition, une pureté de style que plus d'un écrivain de profession eût pu lui envier. C'est que le don du commandement n'était qu'un des aspects de sa riche organisation. Une vaste culture avait fait de ce rude soldat le lettré le plus délicat et le mieux averti. C'était un génie complet. Sa conversation variée, alerte, ingénieuse, brillante, abordait tous les sujets, sciences et beaux arts, histoire et voyages, et la musique qu'il goûtait en dilettante, aussi bien que les plus graves problèmes d'aujourd'hui. Rien de doctrinal, rien de cassant, mais une aménité parfaite, et, dans son sourire, une infinie douceur. A ce magnifique ensemble de qualités, le général Mangin en joignait une, sur laquelle ne tarissent ni ses compagnons d'armes, ni les témoins de sa vie intime : la bonté. Les mérites éclatants de l'homme publie s'accompagnaient chez lui de toutes les vertus de l'homme privé. Il laisse une veuve et huit enfants. Nous nous inclinons, avec une profonde et respectueuse émotion, devant le deuil glorieux de cette famille, type admirable de la plus belle famille française. La Revue des Deux Mondes publiera dans son prochain numéro : LE GÉNÉRAL MANGIN par M. G. HANOTAUX, de l'Académie française. Toute traduction ou reproduction des travaux de la Revue des Deux Mondes es ! interdite dans les publications périodiques de la France et de l'Étranger, y compris ta Suède, la Norvège et la Hollande. |