306 REVUE DES DEUX MONDES. Chine, il faudra se lever 1... Dieu est Dieu ! L'homme est l'homme, et il ne faut pas mêler ! Mais toi et moi, les tiens et les miens, tout de même, nous sommes plus près du Maître que ces vautours-là, les usuriers du monde... » En vérité, le mot est sublime : « Nous sommes plus près du Maître !... » Mais, d'ailleurs, toute la fin de ce roman guerrier touche à l'épopée. Les dernières pages, un peu confuses, sont emportées néanmoins par un grand souffle lyrique. On peut tout espérer de jeunes écrivains capables d'atteindre à une telle hauteur et de s'y maintenir, de manoeuvrer, pendant des ch ipitres entiers, une telle foule de personnages, de franchir en imagination des mers et des continents, et de brasser avec allégresse et vigueur Une telle masse d'épisodes et de péripéties... ** L'oeuvre de Robert Randau, déjà plus ancienne, ses débuts remontent à une vingtaine d'années, au moins, est aussi plus étendue. Elle est surtout d'une variété peu ordinaire : romans de moeurs et d'aventures comme les Colons, les Explorateurs, Celui qui s'endurcit, l'Aventure sur le Niger, le Commandant et les Foulbé, Cassard le Berbère, les Algérianistes, romans fantaisistes et fantastiques comme la Ville de cuivre, romans satiriques comme le Chef des porte plume, ou le Grand Patron, essais moraux, analyses psychologiques à la Montaigne, croquis humoristiques, comme A l'ombre de mon baobab, ou bien le Manuel du parfait explorateur colonial, enfin, dialogues philosophiques comme Des fantaisies sur l'Éternel, les Terrasses de Tombouctou, et même des poésies, Autour des feux dans la brousse, Crépuscules au cabaret... Et je me hâte (l'ajouter que, pour être complet, il faudrait encore allonger cette liste déjà longue. Je ne dis pas que, dans cette oeuvre si touffue, je goùte ou admire également tout. L'auteur m'excusera de confesser que je ne le suis pas toujours dans toutes les brousses, sylves, marécages et marigots, où sa fantaisie, sa sensualité débridée, sa verve intempérante et quelquefois un peu grosse l'entraînent, l'égarent ou le noient. Je n'approuve pas toujours ses paradoxes, ou ses « blasphèmes » littéraires, qui datent un peu trop pour mon goût, son étalage de cynisme, ses férocités |