240 REVUE DES DEUX MONDES. Le 12 juillet 1922, le Reich insistait pour un moratorium plus large et plus prolongé. Comme le rappelait le Président du Conseil, M. Raymond Poincaré, ministre des Affaires étrangères, dans sa réponse du 20 août 1923 au marquis de Crewe, ambassadeur d'Angleterre à Paris, l'Allemagne invoquait à l'appui de sa demande le désarroi de ses finances, la chute de sa monnaie, sa détresse économique. Mais elle n'avait rien fait pour régler ses dettes et rétablir l'ordre budgétaire ; elle avait pratiqué depuis la paix une politiqu) de gaspillage et de dilapidation ; elle avait maintenu les prix de ses transports plus bas que partout ailleurs ; elle avait augmenté le nombre et le traitement de ses fonctionnaires ; elle avait épargné dans la perception des impôts, doté de toute sorte de privilèges et d'indemnités, les grands métallurgistes et les armateurs ; elle avait reconstitué une immense flotte de commerce ; elle avait creusé des canaux, multiplié les réseaux téléphoniques privés ; elle avait entrepris sans compter toute sorte de travaux que la France était dans l'obligation d'ajourner. Jusqu'à la fin de 1922, l'Allemagne ne cessa d'aggraver ainsi sa situation économique, financière et monétaire. Le'11 novembre de la même année, le Gouvernement de M. Wirth avait envoyé à la Commission des Réparations une note à laquelle avait ensuite adhéré son successeur, le chancelier Cuno, et qui pouvait se résumer : l'Allemagne ne pouvait plus rien faire avant d'avoir restauré sa monnaie, stabilisé son mark ; elle réclamait, pour arriver à cette stabilisation, une réduction de sa dette ; elle demandait à être libérée pendant trois ou quatre ans de l'ensemble de ses prestations, prestations en nature aussi bien que paiements en espèces. Elle ferait exception pour les régions dévastées, mais à la condition d'être autorisée à ne payer qu'à l'aide de ses ressources normales et d'emprunts intérieurs. C'était, en réalité, comme l'écrivait M. Raymond Poincaré, « promettre le néant ». L'Allemagne, en un mot, ne s'engageait à aucune réforme et, en revanche, elle posait des conditions : revision de l'état de paiements du 5 mai 1921, réduction de la dette allemande, moratorium. En même temps, elle avait cessé ses paiements en espèces ; quant aux prestations en nature, elle les avait volontairement ralenties, ainsi que la Commission des réparations l'a constaté |