266 REVUE DES DEUX MONDES. - La solution... voilà la solution... C'est bien simple... La solution... La mère regarda fixement le fils. Dans ce muet dialogue de leurs regards, passa comme une double interrogation. Eh bien I dit Joseph en essuyant, d'un revers de main, la sueur de son front... Vous l'aurez voulu. Elle répondit froidement : - Vous êtes trop lâche pour mourir. Ne m'en défiez pas 1 J'ai déjà entendu ces mêmes paroles, il y a dix ans... Et vous vivez. Adieu donc. Je ne resterai pas dans cette maison, pas un moment de plus. - Vous ferez bien. - J'irai à la Chaubille. Le métayer me donnera un lit, si l'oncle me le refuse. - Allez où vous voudrez. - Le délai expire demain soir. - Tant pis. Le malheureux se sentit perdu. Il sortit de la chambre, suivi par Mme Lapeyrade, corn me par une Érinnye. Le chandelier de cuivre, posé sur le carreau, éclairait le corridor. Mme Lapeyrade le ramassa. Joseph descendit, en se cramponnant à la rampe, sans tourner la tête. Au delà des dix premières marches, c'était la nuit. Son pas s'éloigna dans le vestibule. Les verrous de la porte furent tirés, violemment, et le grand coup du battant de chêne, qui se refermait, ébranla toute la maison Lapeyrade. XI Le lendemain, des tailleurs de pierre qui avaient leur chantier près de Saint-Jean, trouvèrent le corps de Joseph, fracassé sur une dalle du cimetière. Il était sans argent. Une enquête établit que M. Lapeyrade, arrivé la veille au soir par la diligence, avait commis l'imprudence de prendre la route des Remparts. Quelque rôdeur de nuit, étranger à la ville, un de ces chemineaux qui logent dans les trous des carrières,l'avait-il assailli, dévalisé, jeté au précipice ? Ou bien, dans les ténèbres épaisses, le malheureux avait-il perdu pied ? |