262 REVUE DES DEUX MONDES. mieux m'expliquer avec ma mère, mais à présent, je n'ai plus qu'un besoin : dormir... dormir... Il dit « dormir », comme il disait « manger ». C'est qu'il faut passer devant la chambre de madame.. Nous ne ferons point de bruit... Ah ! m'étendre... dormir... Je suis si las !... Ils se regardent, muets, retenant leur souffle, comme s'ils pouvaient percevoir la respiration de la vieille dame allongée sous ses blancs rideaux... Rien. Pas un soupir, pas un craquement de meuble. Si profond est le nocturne silence, qu'ils croient entendre la chandelle brûler. La Mion va dans le vestibule. Elle écoute... Rien 1... Elle monte jusqu'à la porte de Mme Lapeyrade, écoute encore... Rien ! Tendant la chandelle à bout de bras par dessus la rampe, dans le vide sonore de l'escalier, elle fait un signe à Joseph. 11 monte à son tour. Une marche. Deux marches... Qui a remué ?... Personne... Il monte, porté par sa fièvre, d'un pas de cauchemar.. Il rejoint la Mion. A ce palier finit l'escalier de pierre. Celui qui mène au second étage s'amorce plus loin. Il faut suivre le couloir en sa longueur, passer devant sa chambre... La Mion tient la main de Joseph. Elle l'entraîne. Mais une porte s'entr'ouvre. Mme Lapeyrade, en robe de nuit, avance la tête et demande Qui est là ? X Quand il eut achevé sa confession, Joseph Lapeyrade crut que sa mère était morte. Il n'osa lever les yeux, tant il redoutait de la voir, affaissée dans son fauteuil, avec le rictus de l'agonie figé sur son masque terrible. Un instant, il crut entendre, derrière la porte, les sanglots de la Mion, et il se sentit moins seul, mais c'était une illusion de l'ouïe, c'était la grondante rumeur du sang battant les tempes douloureuses. La clarté de la lampe faisait un cercle sur le tapis. Joseph regardait les palmettes jaunes. Enfant, il y découvrait une |