480 REVUE DES DEUX MONDES. ces injonctions en interdisant le cortège traditionnel du 10 mai à la statue de Jeanne d'Arc. Serait-ce que le cartel a besoin, au scrutin de ballotage pour les élections municipales, du concours des communistes ? Le premier tour de scrutin, le 3 mai, a été nettement défavorable aux révolutionnaires. Paris est resté en grande majorité républicain et national. Dans les départements, gains et pertes semblent se balancer, autant qu'on en puisse juger par les statistiques truquées du Ministère de l'Intérieur, avec une sensible dimiminution des voix cartellistes. Ce qui apparait clairement c'est la volonté du pays de ne pas aller à la révolution où les complaisances des radicaux pour les socialistes et des socialistes pour les communistes le conduisent. Au Maroc, comme il était à prévoir, les conséquences des échecs et du recul des Espagnols se produisent. Trois tribus rifaines cantonnées entre l'oued Ouergha et la frontière de la zone espagnole, travaillées par les émissaires d'Abd-el-Krim, sont entrées en dissidence les 26, 27 et ? 8 avril : ce sont les Sless, les Hodja de Mosbach, les Reghioua et une partie des Mejziat, appuyés par des contingents rifains, en tout une vingtaine de mille hommes, munis d'armes, de canons et même de quelques avions. La première ligne de nos postes a été débordée et franchie à l'improviste ; l'extrême pointe des Riffains a pénétré, entre Fez et Taza, jusqu'à une quinzaine de kilomètres du chemin de fer. Trois groupes, comprenant 18 bataillons, 6 escadrons, 12 batteries, se sont aussitôt formés, et déjà sous la haute direction du maréchal Lyautey, ils ont refoulé l'adversaire, malgré sa bravoure et sa ténacité, en lui infligeant de grosses pertes. Mais des émissaires rifains parcourent tout le Nord du Maroc et il n'est pas certain que d'autres tribus ne se laissent pas ébranler. Pourquoi, d'ailleurs, cette offensive soudaine ? Faut-il y chercher quelque connexion avec les événements européens ? N'est-ce qu'un effort des Rifains, toujours belliqueux, pour se ravitailler, pour piller, pour se donner de l'air, parce que le blocus espagnol leur ferme la ruer ? L'avenir le dira. La promptitude et l'énergie de la répression vont calmer leur ardeur. Mais l'offensive d'Abd-el-Krim. pose avec une nouvelle acuité la question de nos rapports avec le Maroc espagnol. Là, comme ailleurs, la France ne veut que paix, sécurité.et travail. RENÉ PINON. Le Directeur-Gérant : RENÉ DOUMIc. |