444 REVUE DES DEUX MONDES. initiés, je verrais brûler dix mille volumes de philosophie dans le genre des leçons de La Romiguière et de la Logique de Port- Royal, que je sauverais de préférence la Bibliothèque orientale d'Assémani ou la Bibliotheca arabico-hispana de Casiri I » Il esquissait d'avance le plan de ses prochains travaux, les futures démarches de sa curiosité intellectuelle et notamment le dessein prémédité de sa mission de Phénicie, en disant, sur le ton fervent d'un disciple désireux de continuer le sillon des maîtres : « Fouillez la vieille Phénicie : on ne sait pas ce que contient cette terre ; interrogez en géologue les plateaux de l'Asie que l'homme habita d'abord ; fouillez Suse, fouillez l'Yémen, fouillez Babylone. Qu'est-ce qu'Eden ? Qu'est-ce que Saba ? Qu'est-ce qu'Ophir ? » A cette époque d'initiation et d'apprentissage, la lecture du Journal des Savants était sa récréation préférée. Une de ses plus fortes impressions fut celle qu'il ressentit, le 25 octobre 1848, en écoutant le discours que prononça, ce jour-là, Eugène Burnouf, président de l'Institut, à la séance publique annuelle des cinq Académies. De cette admirable page, qui fut, en quelque sorte, le testament intellectuel et moral du plus grand de nos orientalistes, on retrouve les échos et les reflets, çà et là, dans tous les ouvrages de Renan ('1). L'Exposition orientale de la Bibliothèque nationale nous invite à étendre le champ de notre vision, à travers l'Asie, jusqu'à l'Extrême-Orient. On y pourra suivre en imagination, sur les cartes dessinées et peintes à Majorque par Abraham Cresque, pour Charles V, roi de France, les itinéraires du célèbre voyageur vénitien Marco Polo. Non loin du manuscrit qui fut calligraphié, enluminé par Guillaume Caoursin, vicechancelier de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem, afin de commémorer les événements du Siège de Rhodes, victorieusement soutenu, contre le sultan Mahomet II, par le grand-maître Pierre d'Aubusson et par les chevaliers du prieuré de France, voici le Livre des Merveilles que le duc de Bourgogne, Jean Sans-Peur, offrit à son oncle Jean, duc de Berry, et qui contient notamment la relation des voyages d'Oderic de Pordenone, missionnaire franciscain dont l'itinéraire s'étendit de la côte de Malabar aux îles de la Sonde et du Turkestan au Thibet. En (i) Voir, en particulier, Questions contemporaines, pages 155-185. |