432 REVUE DÉS DEUX MONDES. affaires orientales, eut soin d'attacher à la suite du nouvel ambassadeur, en qualité de secrétaire, un orientaliste professionnel. C'était un jeune professeur du collège Mazarin, natif des environs de Noyon en Picardie, nommé Antoine Galland, que recommandaient MM. de Port-Royal et aussi M. Nicolas Petitpied, docteur de Sorbonne, conseiller clerc au Châtelet et curé de la paroisse de Saint-Martin. Galland, alors débutant, plein de modestie et de timidité, d'ailleurs studieux avec délices, chercheur passionné, lecteur charmé par les contes féeriques où se joue la fantaisie narrative de l'Orient, devint plus tard célèbre et presque populaire, lorsque, de retour en France, désormais orientaliste sédentaire, bibliothécaire de l'intendance de Normandie et membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, il voulut revoir en imagination les pays étranges et mystérieux qui avaient émerveillé sa jeunesse, et fit, pour son plaisir autant que pour notre divertissement, la traduction française des Mille et une Nuits. La Bibliothèque nationale conserve, en son cabinet des manuscrits, plusieurs lettres adressées par Galland à ses correspondants de Paris, ainsi qu'au savant Huet, évêque d'Avranches, qu'il entretient d'un livre persan, poétiquement intitulé Bulbul Nameli, c'est-à-dire le Livre du Rossignol. La Bibliothèque possède également le manuscrit d'un Mémoire des observations que l'on peut faire dans les voyages du Levant, « remis à M. Galland par M. Colbert », en 1679. C'est l'époque où le comte de Guilleragues, successeur du marquis de Nointel à l'ambassade de Constantinople, s'embarque dans le port de Toulon, pour rejoindre son poste, en compagnie de sa femme, de sa fille, et de deux jésuites, le Père Besnier, missionnaire du Levant, et le Père Nau, supérieur de la mission d'Alep. M. de Guilleragues est connu des lettrés par la dédicace de l'épître que Boileau a écrite sur « la nécessité de se connaître soi-même » : Esprit né pour la cour et maître en l'art de plaire, Guilleragues, qui sais et parler et te taire... Ce distique résume à peu près toutes les qualités qui distinguent le diplomate accompli. Magistrat de bonne race et de haute distinction, premier président de la cour des aides de Bordeaux, M. de Guilleragues fut introduit à Paris par la |