392 REVUE DES DEUX MONDES. énoncé : « Agir comme si, parmi l'infinité des combinaisons, toutes égales entre elles au point de vue scientifique, que produit ou peut produire la nature, quelques-unes possédaient une valeur singulière. » Agir ainsi implique la présence en nous de ce qui précisément, et de plus en plus, constitue l'esprit religieux. Le devoir est la manifestation presque élémuitai re de cet esprit. Or, cette notion de devoir, ou de valeur absolue, est irréductible à la connaissance proprement dite. C'est un risque, une gageure. Le devoir est la foi par excellence. Mais, en même temps que je crois au devoir de poursuivre certaines fins, je me demande en quoi consistent ces fins supérieures. On peut appeler idéal l'objet suprême dont la poursuite est le propre de l'activité humaine. Mais cet idéal, pour qui approfondit les conditions de son action et du progrès vers lui, n'est pas seulement une possibilité abstraite, il est une réalité nécessaire. L'homme enfin ne peut se borner à contempler l'idéal par son intelligence et à s'y soumettre par la volonté. Son union avec l'idéal ne peut se consommer que par l'amour. Et comme la recherche de l'idéal suppose l'effort associé des individus humains, l'amour commun de l'idéal se complète par l'amour des hommes entre eux. « L'homme, pour être homme jusqu'au bout, ne doit pas se contenter de vivre, il doit consacrer sa vie à la pratique du devoir, à la recherche de l'idéal, à la communion des consciences dans l'amour. » De telle sorte que la religion est le moteur supérieur de l'âme humaine. Chez l'homme, tel qu'il nous est donné, la volonté du mieux a son principe, aperçu ou inaperçu, dans la religion qui donne à sa vie la plus grande puissance et la plus haute valeur possible. Devoir, Dieu, amour, résument cette religion. Boutroux poursuit : il est remarquable que ces objets indispensables à une culture vraiment humaine « sont ceux-là mêmes qui, dans l'une des religions que l'on s'accorde à tenir pour les plus hautes, sont déclarés les objets religieux par excellence ». Le principe religieux ne se confond pas avec les formes par lesquelles il s'est exprimé dans le passé. Ce n'est pas à dire que la religion soit exclusivement esprit. Fichte écrit : la formule est, pour l'homme, le plus grand bienfait. Oui, la religion est esprit, mais les formules et pratiques que cet esprit avoue et adopte sont tout simplement ce qui lui permet |