3J0 REVUE DES DEUX MONDES. de la croyance. Il en a fixé les limites extrêmes quand il a écrit que « les religions ne révèlent leur sens qu'à celui qui, de quelque manière, éprouve le sentiment religieux ». Tout de même, des harmoniques nouvelles accompagnent le langage que parle désormais son impassible raison sur certains sujets. Pascal est toujours présent. Dans une discussion à la Société de philosophie, on a la sensation de cette présence aux côtés de Boutroux. Là et ailleurs, il est cité à chaque instant. J'ai doté, une à une, ces citations dans les articles et discours de la fin de la vie de Boutroux. Il n'en est pas de quelque importance où Pascal n'apparaisse. Dans quelques-uns, il est cité à plusieurs reprises. Dans l'un d'eux, qui n'occupe que quelques pages, il revient sept fois. Il est vrai que le sujet du discours est la Religion et la vie intérieure. Il est une règle de Pascal enfin, que Boutroux ne se lasse pas de reprendre à son compte, et qui sur sa propre méditation projette une lumière : « par les humiliations, s'offrir aux inspirations ». Malebranche a écrit, dans un sens analogue, que l'attention est une prière. L'auteur, qui était le plus souvent cité dans les premiers écrits de Boutroux, était Goethe. Dans l'esprit de Boutroux, le chrétien a détrôné le païen. SCIENCE ET RELIGION Science et religion dans la philosophie contemporaine est de 1908. C'est le dernier grand ouvrage de Boutroux. Boutroux est hanté par un conflit que tout dénonce dans la pensée contemporaine. La solution de la séparation des domaines, ou, comme il dit encore, de la cloison étanche, qui consiste à rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu, ne le satisfait pas. Déjà elle ne le satisfaisait pas, quand il eut à parler d'Olk-Laprune, et qu'il en parla avec une si intelligente sympathie. Les idées vraies, au dire de Platon, n'ont-elles pas ce caractère de se marier entre elles ? Boutroux va donc chercher les bases d'un accord entre la science et la religion, qui leur permette de vivre en paix dans une même conscience. Auparavant, il expose et discute les théories naturalistes et les théories spiritualistes, avec cet art d'exposition qui prête de la clarté et de la force aux doctrines exposées, sauf à n'en retenir que ce qui peut être retenu, avec cette force simple d'argu men- |