242 REVUE DES DEUX MONDES:, Ma Jérusalem ! Ma Jérusalem est tombée 1 - La voilà ! dit Alexandre, qui ramassa une magnifique édition italienne du Tasse... Eh bien I mon oncle, vous ne m'embrassez pas ? - Attends un peu que je te considère, soudard 1 Bien joyeux, !'oeil vif et l'oreille rouge I... Ma foi, non, je ne t'embrasserai point. Tu pues le bonheur, Alexandre, et je déteste cette odeur-là. Ah I mon oncle, toujours original 1 Sieds-toi tout de même, caro mio ! Valmont Dupouy était bien de la même race que sa soeur. I1 avait les traits réguliers, l'oeil bleu, la bouche grande, mince, tordue par un sourire désenchanté, le menton saillant, les joues creuses. Vivant au milieu d'un épouvantable désordre, qu'il entretenait à plaisir, il était net, bien rasé, bien peigné, ses beaux cheveux de soie blanche ramenés en touffe sur son grand front. Sa chemise de toile usée, mais fine et très propre, — aussi propre que les draps du lit, disparaissait presque sous un vêtement en poult de soie brun rayé de vert, tout quadrillé de piqùres, où Mme Lapeyrade reconnut l'étoffe d'une antique courte-pointe. En travers du lit, il y avait une planchette formant pupitre, sur laquelle l'oncle Valmont écrivait avec une grosse plume d'oie. La table de chevet mettait l'encrier à portée de sa main, parmi des flacons de pharmacie, des tasses, un chandelier de cuivre et un briquet. Un paravent, enveloppait le chevet du lit, car'Valmont Dupouy était obsédé par la crainte des courants d'air, néfastes pour une névralgie chronique qu'il prétendait avoir, et dont il tirait, comme de ses autres maux, imaginaires ou véritables, un immense orgueil. - IIé 1 Valmont, quelle folie te prend de garder la chambre ? dit Mme Lapeyrade, qui s'installa dans un fauteuil, après en avoir ôté cinq ou six bouquins. Tu n'es pas malade, que je sache ? L'oncle contempla le plafond d'un air douloureux. - Je ne suis pas malade 1... C'est entendu : je ne suis pas malade... Ma santé est excellente... N'en parlons plus 1... Je-nesuis-pas-ma-la-de... Le général eut l'imprudence de renchérir |