342 REVUE DES DEUX MONDES. de vous ? Quel travail vous donner ? Savez-vous taper à la machine ? Je réponds que non., Timochka gonfle ses joues et réplique sévèrement : - Il faut travailler, camarade. Il faut aider la République à se consolider, c'est le premier devoir des citoyens. La République a besoin de personnes intelligentes ; il faut en finir avec cette grève des intellectuels, ce sabotage ! Soudain, Daria Ivanovna éclate en sanglots. - Timochka 1 Timochka 1 gémit-elle, pourquoi avez-vous tué ces malheureux ! Pourquoi ne les as-tu pas sauvés ? Tu les avais tous connus chez moi et tu as permis qu'on les fusille ! Timochka s'est levé, il est pâle, il a des larmes dans les yeux. - Daria Ivanovna, j'ai tout fait pour les sauver, mais ce Henken, vous savez sa férocité. Il m'a menacé de me fusiller moi-même. Il a voulu les voir exécuter pendant qu'il était ici..., Je vous jure que je pleurais en les prévenant de leur sort, Daria Ivanovna. C'est vrai, je les connaissais tous. Quand j'étais enfant, j'ai joué avec ce jeune prince Karitine... Mais je ne suis qu'un serviteur de la Révolution : mon devoir est d'obéir à mes chefs. Aussi pourquoi ont-ils comploté contre Lénine ? — Tu sais bien qu'ils n'ont jamais comploté. - Eux, peut-être ; mais, leur classe complotait. Après un silence, Daria Ivanovna demande : - Comment sont-ils morts, Timochka ? - Ah voilà !... Le vieux maréchal de la noblesse a demandé la grâce d'être fusillé le dernier ; chacun des condamnés venait l'embrasser et il a béni tout le monde avant de mourir ; la vieille Mme Samoïloff a voulu être fusillée avant son fils le colonel, pour ne pas le voir mourir... Henken leur avait accordé tout cela. Le vieux directeur de la prison pleurait à chaudes larmes. « De braves gens, dit-il après l'exécution, de bien braves gens. Eh bien ! allez les rejoindre », lui dit Henken d'un ton sec, et il lui tira une balle dans la tête. Quoi ! gémit Daria Ivanovna, le directeur de la prison est tué ? — Pour avoir eu pitié... — Quelle férocité ! dis-je. Bah ! Que voulez-vous ? C'est la révolution i |