L'ARRIVÉE AUX INDES Au cours de la mission aux Indes dont la Revue l'a chargé, notre collaborateur M. Maurice Pernot nous adresse cette seconde lettre : Mon cher Directeur, Delhi, le 1., avril 1925. Après un tels séjour à Ceylen l'ai remonté lentement la côte orientale delsleyle, m'en éloignant quelquefois, tantôt pour voir un monument fameux, tantôt pour pénétrer dans un de ceslltats indépendants, qui forment un si étrange contraste avec les provinces de l'Inde britannique. Puis j'ai suivi la vallée du Gange ; la semaine dernière, j'étais à Bénarès, la ville sainte, et me voici à Delhi, la capitale de l'Empire. Ceux qui ont qualifié ce pays de mystérieux et d'énigmatique sont apparemment ceux qui l'ont connu le mieux. Le peu que je vois, le peu que j'entends me semble encore trop, lorsqu'il s'agit d'en former un tout intelligible, et d'accorder entre eux des faits, des témoignages et des impressions contradictoires, ou, peur le moins, disparates. Le problème politique de l'Inde n'est peut-être qu'un aspect du problème plus vaste et plus comgle4e,ppsé par un peuple de trois cent vingt millions d'habitants, qui, malgré les différences de race, de langage, de moeurs et de foi religieuse, aspire à devenir une p1}tion. Unité nationale, indépppclapop politique, les chefs du mouvement actuel s'efforcent de préparer l'une et l'autre., l'en ai rencontré quelques-uns, des plus considérables ; leurs propos m'et paru révéler tout ensemble une foi profonde, un idéalisme ardent, et des méthodes incertaines. Ce que j'admire sans réserve, s'est l'effort entrepris par une élite d'hommes de pensée et d'hommes d'action, en vue de régénérer le peuple indien et de lui rendre conscience de sa dignité morale, de sa grandeur historique, et de la plaee qu'il occupe dans le monde. Celui-ci, magnifique poète, révèle à une jeunesse ardente les trésors de l'antique sagesse hindoue et jette hardiment les bases d'une éducation nationale. Celui-là, apôtre merveilleux, a résolu d'abattre les barrières, que les religions et les castes ont dressées. Telle organisation travaille au relèvement de la femme, telle autre à l'éducation des enfants sans caste, des intouchables. Le coi}ra#e de tous ces apôtres impose un respect plus grand, à mesure qu'on aperçoit mieux l'énormité de la tâche qu'ils ont assumée. Ces intouchables, dont la seule présence est une souillure pour les gens de haute caste, et qui sont réduits à boire dans leurs mains jointes l'eau que leur jettent de loin les passants, pu I@s compte ici parrnilliens. Et, le même journal, où je lis une très noble résolution poutre l'usage de l'opium et des boissons alcooliques, m'apprend la condamnation a mort de trois iipdoi.is, ceupghles d'avoir sacrifié une jeune fille à la terrible déesse Kali. Je suis, mon cher Directeur, votre sincèrement dévoué. MAURICE PERNOT. Toute traduction ou reproduction des travaux de la Revue des Deux Mondes est interdite dans les publications périodiques de la France et de l'Étranger, y compris la Suède, la Norvège et la Hollande. |