86 REVUE DES DEUX MONDES. traditions elle ajoutait donc les leçons de l'expérience et la partie devait être à peu près égale. A peine l'armée prussienne avait-elle commencé son mouvement de marche offensive, elle apprit une nouvelle inquiétante : le 24 juin, moins de huit jours après son entrée en campagne, l'armée italienne s'était laissé surprendre à Custozza et avait subi un échec retentissant, aggravé par la panique du commandement. L'Autriche, profitant de ce succès, contre lequel l'Italie ne réagissait aucunement, n'allait-elle pas laisser un masque dans le Quadrilatère et ramener au Nord la plus grande partie de ses troupes ? Avec beaucoup de décision, la Prusse redoubla d'activité pour parer à ce péril. Méthodiquement, ses colonnes franchirent les défilés des montagnes, sans être inquiétées par les Autrichiens, toujours en retard. Aux premiers jours, elles se répandaient en Bohême. Le 3 juillet, elles écrasaient l'armée autrichienne à Sadowa. Ce ne fut pas une défaite, ce fut une catastrophe. On le 3.ntit vaguement en France, sans comprendre encore toute la portée de cet événement. Le succès de la Prusse, attendu par beaucoup, escompté même par ceux qui tablaient sur l'amitié possible de ce pays, dépassait toutes les prévisions. La nouvelle se répandit à Paris dans la matinée du 4 juillet. L'émotion fut considérable. Le coup de foudre était trop violent. Napoléon Ill s'en rendit compte, sans avoir longtemps à attendre pour en constater les premières conséquences. Le soir même, en effet, l'Autriche s'adressait à lui : elle lui céderait immédiatement la Vénétie, à la condition qu'il obtiendrait de l'Italie un armistice lui permettant de transporter en Allemagne les troupes et le matériel qui se trouveraient dans cette province. L'Empereur refusa d'intervenir en faveur d'un seul des adversaires, mais il offrit sa médiation à tous les combattants. Au nom de l'Autriche, M. de Metternich accepta. Napoléon III télégraphia aussitôt au roi de Prusse, puis au roi d'Italie, pour leur proposer sa médiation, sans spécifier s'il entendait jouer le rôle d'un simple intermédiaire ou s'il se posait en arbitre qui donnerait au besoin à ses décisions l'appui de ses armes. Cette question fut débattue le lendemain dans une réunion du. Conseil. Un moment, notre ministre des Affaires étrangères, Drouyn de Lhuys, partisan, dès la guerre de Crimée, d'une |