40 REVUE DES DEUX MONDES. travailler en commun ; il faut aussi les faire vivre ensemble. Les liens de bonne camaraderie, l'affection réciproque entre officiers, sous-officiers et soldats d'armes différentes, sont, en vue de l'action commune sur le champ de bataille, un élément que rien ne remplace : c'est lui qui fait que les diverses armes sont toujours prêtes à se dévouer l'une pour l'autre. Les divers projets de la réduction du service à un an ne tiennent pas compte de ce facteur d'ordre psychologique, dont l'importance est capitale. Ils commettent une faute de même ordre, plus grave encore, lorsqu'ils, préconisent l'envoi des recrues, après un premier dressage, soit à l'armée du Rhin, soit aux divisions d'intervention immédiate, où elles seront réparties suivant les besoins momentanés en effectifs des unités, sans s'occuper de savoir si les liens qui les unissaient déjà entre elles, subsistent, ou sont brisés. Veut-on tirer du soldat tout le parti possible ? il faut que toute sa carrière militaire s'encadre dans la même unité, en sorte qu'il arrive à connaître parfaitement les camarades au milieu desquels il vit, les gradés et les officiers qui le commandent. Ainsi, et ainsi seulement, se développe cette qualité, sur laquelle nous ne nous lassons pas d'insister, et qui s'appelle : la cohésion. C'est elle qui rend une troupe prête à tout oser, c'est elle qui la rend susceptible de tous les sacrifices. Dans les unités bien en main, où tout le monde se tonnait, règne une mentalité spéciale faite de confiance en soi-même et de dévouement à la collectivité. Ces formations-là ont le sentiment de leur honneur, de leur gloire ; elles arrivent àr,onstituer une entité, une personnalité vivante, au nom et au profit de laquelle agissent tous ceux qui en font partie. Pendant la guerre de 1914, combien d'actes d'héroïsme ont été accomplis dans l'espoir de voir attribuer à l'unité une récompense collective, ou simplement pour lui conserver son prestige ! Avant les attaques de juillet 1918, nous dûmes, sur un point de la forêt de Villers-Cotterets, retirer, de nuit, un peu en arrière, une unité trop exposée. L'opération,'pour dangereuse qu'elle fût, s'exécuta dans un ordre parfait. Pas la moindre précipitation, pas le moindre affolement. Chacun était persuadé que ce décrochage se ferait avec plein succès, parce qu'il savait que ses camarades, qu'il connaissait depuis |