230 REVUE DES DEUX MONDES. radical en cela, M. Herriot parle et agit comme s'il était persuadé de sa propre infaillibilité ; il accuse « les manoeuvres de l'opposition » d'une faillite qui n'est due qu'à ses propres erreurs et à la contradiction initiale d'une alliance électorale qui le condamnait à collectiônner à ses dépens tout ce qu'une politique socialiste et une exploitation radicale peuvent soulever de rancunes et de légitimes indignations. C'est la cause profonde qui devait un jour ou l'autre provoquer la chute de M. Herriot. En politique extérieure, le bilan du premier Cabinet issu des élections du cartel n'est pas plus brillant ; et, sur ce terrain, les échecs sont irréparables et les reculs définitifs. Erreurs de méthode, illusions sur les hommes, telles furent les deux faiblesses initiales de M. Herriot. Dans ce domaine où la continuité est le secret du succès, le successeur de M. Poincaré arriva, tout chaud de la bataille électorale, pressé de jeter par-dessus bord tout ce qu'avait fait son prédécesseur. Ses adversaires eurent beau jeu. Les entretiens de Chequers resteront dans l'histoire un frappant exemple de tout ce que peut abandonner ou laisser prendre à ses partenaires un diplomate sans expérience, sans préparation, qui s'imagine que les grandes affaires se résolvent dans le laisser-aller d'une conversation amicale. Ayant, sans contre-partie, abandonné les gages et les avantages négociables que lui léguait M. Poincaré et assuré aux Anglais et aux Allemands des succès faciles, M. Herriot perdait la direction du concert des Alliés ; il portait, dans les négociations subséquentes, le poids de sa faute initiale, sans récolter autrement qu'en paroles les bénéfices qu'il s'en était promis. Si bien qu'à Genève, lorsqu'il eut, par une utile initiative, fait triompher avec le « protocole » le principe de l'arbitrage, il ne réussit pas à obtenir la signature de son cher ami M. Ramsay MacDonald, et tout fut à recommencer darts des conditions plus difficiles après la chute du ministère travailliste. Les élections allemandes du 7 décembre montrèrent le nationalisme en progrès, et la reprise des relations avec la Russie bolchéviste prouva la stérilité et le danger de toutes négociations avec un Gouvernement uniquement préoccupé de détruire et de révolutionner. Les déceptions de M. Herriot se sont traduites avec véhémence dans son discours du 28 janvier sur le désarmement de l'Allemagne ; dès le lendemain d'ailleurs, sur les injonctions de M. Blum, le Président du conseil atténuait la portée de ses paroles. En Allemagne on jugea que le Gouvernement du Cartel revenait à la politique de M. Poincaré sans avoir les moyens. |