REVUE DES DEUX MONDES. 11 reste que son tome deuxième a les attraits d'une grande et belle revision d'idées, faite avec beaucoup d'attention, de complaisance, et avec une intelligence admirable, qui apporte sa lumière dans une obscurité confuse et dissipe des ombres. Tout s'éclaire et tout se range. 11 est possible que tout se range mieux dans l'image que dans la réalité. Il est possible que tout s'y. éclaire d'une lumière un peu artificielle. Mais nous étions perdus dans ce chaos ; nous y pouvons maintenant trouver nos chemins, circuler sans erreur trop périlleuse. Je préfère pourtant le premier tome et, dans le premier tome, les chapitres les plus exactement consacrés à la jeunesse de Renan. M. Lasserre les a écrits avec un soin méticuleux. I1 a cherché tous les documents possibles, quelques-uns tout neufs ; il en a composé un portrait et, mieux encore, une série de portraits de son auteur, bien ressemblants et agréables. Un des chapitres les meilleurs est, à mon gré, celui de Saint- Nicolas du Chardonnet : le petit séminaire, comme on l'appelle ; et, en même temps, un établissement scolaire d'une excellente qualité. L'abbé Dupanloup en était le supérieur depuis la précédente année, quand y entra, au mois de septembre 1838, le petit Renan de quinze ans qui venait de Tréguier. Cet abbé Dupanloup, c'est un homme d'une activité singulière, jeune, et qui a son prestige récemment augmenté encore par le rôle qu'il a joué dans l'amende honorable que fit Talleyrand sur le point de mourir. L'intention du nouveau supérieur, et il savait ne pas s'en tenir aux intentions, fut de réunir à Saint-Nicolas les adolescents qui se destinaient ; à l'état ecclésiastique et (dit Renan) la jeunesse destinée au premier rang social. Ainsi, le petit séminaire devint un lieu d'aristocratie, de « bel air », où l'on veillait à la distinction des manières et au brillant des études autant qu'à une parfaite sévérité religieuse. Dans ses Souvenirs d'enfance et de jeunesse, Renan raconte bien joliment ses années de Saint-Nicolas. M. Lasserre ajoute à ce récit les renseignements qu'il s'est procurés d'ailleurs. Il a consulté les registres et archives de Saint-Nicolas. Il a utilisé la correspondance publiée ou inédite de Renan, et les papiers de Renan, qu'on a déposés à la Bibliothèque nationale et dont il a obtenu la communication. Il a fait de tout cela très bon usage. Le petit Renan, qui vient de quitter sa mère et sa maison, quelle ne fut pas sa tristesse'. Il écrit à sa maman : « 0 ma chère mère, qu'il est pénible d'être séparés ! Je le sens bien maintenant. Quand |