208 REVUE DES DEUX MONDES. déterminé par un double courant de mise en culture de terres nouvelles et de morcellement des grands domaines fonciers, est destiné à jouer un rôle politique important dans l'avenir du pays. C'est grâce à cette meilleure répartition des terres qu'on peut faire face à l'accroissement remarquable de la population et améliorer progressivement la situation du fellah. Le parti extrémiste avait su exploiter la rancune des paysans contre les pachas riches possesseurs de terres. Une sorte de communisme s'ébauchait parmi les ouvriers agricoles, devant les yeux desquels on faisait miroiter la promesse du partage des domaines. Souhaitons donc que ce partage s'opère légalement, pour assurer au pays une stabilité sociale d'autant plus désirable, que l'aiigm mntation de la population risquerait, sans cela, d'accroître le nombre des sans-travail. Une chose est certaine. Qu'il la cultive pour son compte ou pour le compte d'autrui, le fellah aime la terre. Elle lui sert à construire sa maison, et il fait en quelque sorte corps avec elle. Lorsqu'on voit les paysans curer, entièrement nus, les drains de leurs domaines, leurs beaux corps d'athlètes bruns se confondant avec la boue gluante, on les dirait pétris dans l'argile. Nous ne connaissons rien, dans l'histoire de l'humanité, de plus attachant que cette communion de l'homme avec le limon du fleuve. Depuis des millénaires, le regard de l'Égyptien est tourné vers le point mystérieux d'où vient le courant, dans l'angoisse de voir un jour son débit diminuer de volume. Ceux qui peuvent régler le rythme des eaux possèdent le coeur du fellah, dont toutes les espérances sont tendues vers les bienfaits de l'irrigation. ** Tant de travail, joint à des conditions climatériques exceptionnelles et à la naissance, par voie de sélection, de fibres de coton inimitables, ne devait pas manquer de produire des résultats tangibles. Considérons le rendement agricole du Delta pour nous en convaincre. On estime que les cultures accessoires, céréales, plantes fourragères, légumineuses, permettent au fellah de vivre et de payer ses impôts. La canne à sucre dans la Haute-Égypte, le coton partout ailleurs, sont considérés comme un revenu net de la terre. Or, voici quelles ont été, dans ces dernières années, les superficies plantées et les récoltes obtenues, en cantars (quintal de 44 h°a 493). Partant d'une |