194 REVUE DES DEUX MONDES. Ah 1 elle arrivera sans fatigue à l'àge mûr, notre jeunesse de 1925. Elle ne se sera pas tourmenté l'âme ni creusé l'esprit en des inquiétudes amoureuses, non plus qu'en des épreuves sentimentales... Et tout d'abord, notons que les jeunes gens n'ont, en grande majorité, aucune conversation, mais ce qui s'appelle vraiment n'en avoir aucune. Sauf pourtant en ce qui concerne les moyens de locomotion, savoir l'auto, l'avion, les chemins de fer et au besoin les chevaux de selle, ou encore certains sports admis, tels que le foot-ball, le golf, le tennis, etc., vous n'en tirerez pas deux mots, deux mots qui se suivent et s'enchaînent, sur n'importe quel autre sujet. Politique, art, pensée, psychologie générale ou particulière, n'allons pas jusqu'à dire qu'ils méprisent tout cela ; mais ils n'y entendent rien, rien de rien ; leur défaut de culture est prodigieux, leur ignorance complète. Ainsi nous les rendirent les pauvres études réformées selon les programmes de 1902 : qu'on juge de ce que donnera le nouvel enseignement « moderne », selon l'idéal ministériel de 19251 D'ailleurs, ils sont peut-être érudits, en somme, ingénieux, originaux et subtils, ces garçons. Seulement, nous n'avons nul moyen de nous en rendre compte, puisqu'ils ne parlent qu'avec tant de peine. Aucune phrase entière ne peut sortir de leurs lèvres, à moins, bien entendu, qu'elle ne soit en anglais, leur langue de luxe, leur langue sacrée 1... On les voit littéralement incapables de s'exprimer dans leur langage maternel, sinon en usant d'un français élémentaire, incroyablement commun, et truffé de tous les solécismes en vogue chez la concierge... Parbleu 1 nous disons les choses comme elles sont. Tant il y a que si ces jeunes messieurs possèdent des âmes raffinées, ils n'en laissent rien du tout paraître, usant d'une discrétion vraiment plus qu'exquise : et telle sera peut-être la grâce de demain... liais quel embarras pour faire la cour aux dames 1 Aussi ne la font-ils guère aux jeunes filles, en tout cas, de l'aveu même de celles-ci, qui s'en plaignent les soirs de migraine. Car elles sont presque toujours beaucoup plus intelligentes que leurs danseurs, et souvent infiniment plus instruites. Elles ont en général passé le baccalauréat latin-Iangues, ce qui encore serait peu de chose, mais l'ont bien et brillamment |