188 REVUE DES DEUX MONDES. selon l'occasion et la saison. Nous voici, par exemple, au coeur du printemps. Eh bien ! parlons de la jeunesse, en ce tendre mai. Allons au bal, et voyons danser les jeunes filles. Craignons seulement que notre plume ne soit piquante ou lourde, gardons-nous d'offenser ces âmes charmantes. Nous les montrerons sans malice, à la façon du jardinier qui cueille des fleurs, les jette en son panier, et présente celui-ci tel quel. Un autre arrangera la gerbe. Un autre encore (lira si les fleurs sont jolies. Elles viennent d'être cueillies, voilà. Mais au fait, quelles fleurs ?... Jadis, au temps des tailles de guêpe et des jupes longues, quiconque eût cherché quelque emblème délicat pour symboliser les jeunes filles, eût sans doute choisi, non plus certes le lys trop romantique, ni la pervenche ou le myosotis, un peu « romance », mais en tout cas la rose mousseuse ou la rose pompon. Prisonnières dans leurs mousselines et leurs satins clairs, corsetées, légèrement guindées, les demois2 ! les vous avaient un air assez artificiel, en dépit de leur fraîcheur. Leurs toilettes semblaient simples, mais seulement grâce à l'effort visible de la couturière : elles étaient laborieusement simples. Innocence voulue, ingénuité maniérée. Des roses pompon, disons-nous, des roses mousseuses. A cette heure, qu'ont-elles sur le dos ? Des tuniques de nymphe. Et encore, à peine des tuniques, si courtes ! car on n'y remarque ni plis, ni ceintures qui fassent bouffer l'étoffe. Le corset a vécu. Rien ne gêne ni serre. La coupe n'est plus rien, le tissu seul fait le prix de ces gaines impondérables. En outre, des parfums rares, précieux. Et l'irrésistible sourire du printemps... Allons, c'est surtout à une fleur vive et délicieuse, à l'oeillet peut-être qu'il nous faudrait à présent songer, dès qu'on prononce ce mot, une jeune fille, Aussi bien, elles en portent toutes. Celles qui sont un peu plus âgées, celles qui se marieront dans l'année, vont jusqu'à l'orchidée... De la rose mousseuse à l'oeillet, telle est donc la différence de nos mères à nos filles : doit-on féliciter les unes, blâmer les autres ? Grave débat, mais qui ne figure point dans notre carnet de notes : la question ne sera pas posée. Elle n'est nullement indispensable, du reste : la réponse naîtra bien toute seule. Qu'est-ce aujourd'hui qu'un bal, et ressemble-t-il à ceux d'autrefois ?... A peu près autant qu'une tasse de Chine à une bonbonnière de Saxe : deux porcelaines, pourtant. On ne sau- |