128 REVUE DES DEUX MONDES. l'épidémie prend la plus grande extension. Elle ne s'éteint qu'en novembre, ayant fait 18 402 victimes. De Paris, la maladie s'étendit à 51 départements, causant 600 000 décès. Toutes les nations européennes et l'Amérique elle-même avaient été frappées avant ou après la France, et, pendant six'ans, la maladie se réveilla çà et là avant de s'éteindre. Mais, dans l'Inde, elle persistait, et ce pays constituait un foyer permanent. Par les pèlerins musulmans indiens, elle se transmettait à la Mecque aux pèlerins musulmans méditerranéens, et soit par la Turquie, soit par la Russie, soit par l'Égypte, elle envahit à plusieurs reprises les ports et les capitales de l'Europe. Les règlements sanitaires élaborés et appliqués par des commissions internationales, la surveillance médicale des pèlerinages de la Mecque, les quarantaines et les désinfections dans les ports opposent aux retours successifs du mal des obstacles incomplètement efficaces. Le choléra franchit encore de temps en temps les barrières, mais on sait mieux en localiser les épidémies. Quand, en 1893, il reparut à Paris, il fut très vite enrayé grâce à l'isolement des malades, à la désinfection rigoureuse de leur linge et de leurs déjections, aux précautions imposées à leur entourage ; en outre, la mortalité fut réduite grâce aux progrès de la thérapeutique, en particulier, grâce aux injections intraveineuses d'eau isotonisée. Aujourd'hui, nous ferions mieux encore, car nous sommes encore mieux armés. Roux, Metsclinikolf et Salimbeni ont préparé un sérum anticholérique, qui, appliqué par ce dernier dans les foyers épidémiques, s'est montré curatif et préventif. En outre, nous possédons un vaccin anticholérique, préparé comme le vaccin antityphique, et pouvant lui être associé dans un vaccin mixte. Pendant la grande guerre, les nombreux allers et retours de troupes entre l'Europe occidentale et le proche Orient, ainsi que les apports de troupes indigènes d, l'Inde et de l'Indo-Chine, ont pu, grâce à cette vaccination mixte, être effectués sans aucun transport du mal. Comme la peste, le choléra est donc actuellement vaincu. Les grandes pandémies ne sont plus que des souvenirs historiques. La peste, le choléra donnent actuellement des épidémies infiniment moins meurtrières que les grandes épidémies de grippe. Je ne parle pas des grippes saisonnières, simples infections des voies respiratoires, le plus souvent très bénignes, mais |