91 REVUE DES DEUX MONDES. insisté sur la situation fâcheuse que ferait à l'Empereur une politique pouvant amener à une rupture avec la Prusse et l'Italie. Avec l'Italie, ce serait la négation de toute la politique impériale, ce serait défaire ce que l'Empereur a si glorieusement fait en 1859, ce serait rejeter l'Italie mutilée et exaspérée aux pieds de l'Autriche et de ses anciens souverains, qui n'étaient que des préfets autrichiens. Cette politique serait si désastreuse qu'il n'y a pas mème à la discuter. Vis-à-vis de la Prusse, la question est beaucoup plus délicate. Sans doute, une partie de l'opinion publique serait très facilement entraînée à une guerre avec les Prussiens, mais d'un autre côté, il faut s'attendre à ce que 111. de Bismarck, menacé sérieusement sur ses derrières par la France, jouerait son va-tout et, cessant d'être Prussien, se ferait tout à fait Allemand, ferait un appel aux passions militaires de toute l'Allemagne, et pour cela il y a un moyen qui s'offre tout naturellement à lui, c'est de proclamer la constitution allemande de 1849, votée par le Parlement révolutionnaire de Francfort. Quelles conséquences terribles entraînerait un tel acte, et dans quelle position il nous mettrait ! Sans doute, la France est forte, et l'Empereur peut beaucoup obtenir d'elle ; mais, en envisageant froidement la situation, quel serait le motif de la guerre contre la Prusse et toute l'Allemagne ? Ce serait au nom de l'équilibre européen que l'Empereur marcherait contre un peuple qui ne veut rien nous prendre, qui rie véut que s'organiser à l'intérieur comme il l'entend. Ce serait donc une guerre contre le principe des nationalités, contre les principes libéraux, contre la volonté de l'Allemagne de s'organiser intérieurement comme elle le veut, que l'Empereur prendrait les armes. Rappelons-nous que l'histoire montre que c'est au nom des mêmes principes d'équilibre européen, de danger provenant de la conduite de voisins qui avaient fait une révolution, que la coalition européenne s'est formée, en 92, contre la France et que le duc de Brunswick a lancé son manifeste. Sans doute, il faut obtenir, dans les intérêts français, que la Prusse, niais surtout l'Allemagne restent divisées, mais il faut le faire avec beaucoup de ménagements, de douceur, de savoir faire ; la violence et la menace ne mèneraient qu'à une fâcheuse situation qu'il faut évitera |