800 REVUE DES DEUX MONDES. lait empiéter sur la Propagande, la Propagande allait répondre en relevant Carthage. Jules Ferry, qui s'intéressait passionnément à la question, mit un bateau, en mai, à la disposition de Lavigerie, pour qu'il s'en fût à Rome presser la décision. Le 28 juin, elle devenait publique, et Jules Ferry apprenait avec joie que la Tunisie devenait diocèse régulier, sous le titre d'archidiocèse de Carthage, uni, dans la personne de Lavigerie, à l'archidiocèse d'Alger. Moins de trois mois après, le 16 septembre, dans la chapelle Saint-Cyprien de Carthage, par un de ces synchronismes dont Lavigerie savait illuminer l'histoire, on célébrait, tout à la fois, le seize cent vingt sixième centenaire du martyre de Cyprien, et le%acre épiscopal du P.Livinhac, devenu, par un récent décret de la Propagande, vicaire apostolique de l'Ouganda. Toutes les splendeurs du Pontifical romain, dont s'accompagne le sacre d'un évêque, inauguraient ainsi le renouveau de gloire religieuse dont désormais bénéficiait Carthage : à peine cet archevêché était-il restauré que Lavigerie, conformément aux termes grandioses de Léon IX, faisait le geste de l'ériger en métropole de l'Afrique ; et lorsqu'en 1889 l'évêque de Malte, avec l'appui de l'Angleterre, tentera d'obtenir le titre de primat d'Afrique, Lavigerie s'insurgera, tempêtera, menacera le Saint-Siège de démissionner. Mais une question se posait : cet archevêché, comment le faire vivre ? La loterie tunisienne, dont Lavigerie avait espéré trois millions, avait mal réussi ; auprès d'un certain nombre de catholiques de France, la Tunisie était impopulaire, parce que Ferry l'était : ils boudaient à Lavigerie, au lieu de chercher, dans le spectacle des résurrections chrétiennes qui s'accomplissaient en Afrique, une consolation pour les attristants épisodes d'anticléricalisme qui, depuis quatre ans, s'étaient déroulés à l'ombre de leurs clochers. Il fallait pourtant que le nouveau diocèse de Tunis trouvât des ressources. Jules Ferry, tout d'abord, se donna l'honneur d'y pourvoir. « I1 vous considère, écrivait à Lavigerie Paul Cambon, comme l'un des plus actifs et des plus puissants auxiliaires de la France du dehors. Il fera pour vous ce que vous voudrez. » Il fallait à Lavigerie un traitement pour 25 curés. Ferry, qui n'avait pas le droit de le prendre sur le budget des cultes, la Tunisie n'étant pas concordataire, les rémunéra comme aumôniers militaires. Il lui fal- |