'782 REVUE DES DEUX MONDES. destinés eux-mêmes à aller fonder. des écoles françaises dans leurs pays respectifs. » En présence d'une telle suggestion, comment Barthélemy Saint-Hilaire eût-il pu n'être pas propice ? cc Je m'attends, continuait le prélat, à trouver opposition parmi les missionnaires italiens, qui partout font maintenant à l'action française une guerre acharnée. » Et ce pronostic même ne pouvait que piquer au jeu un homme d'État du quai d'Orsay. Ayant ainsi préparé le terrain, l'adroit épistolier continuait : « Il y a lieu de compter avec l'esprit oriental qui n'admet aucune oeuvre vitale que sous une forme religieuse. Parler dans ce pays d'institution purement laïque serait une chose impossible. Aussi donnerai-je simplement à notre École normale le nom d'École apostolique ; et comme le clergé tout entier, même le clergé oriental, peut se marier dans ces régions et y exercer toute sorte d'états, rien n'empêcherait que ceux des instituteurs formés par nous qui le voudraient reçussent plus tard le sacerdoce dans leurs rites respectifs. » Lavigerie faisait ainsi merveille, quand il le voulait, pour présenter le fait religieux aux susceptibilités laïques. Il pouvait, à ses heures, être cassant et véhément, mais toujours à bon escient et jamais avec maladresse ; son intelligence, son goût de manier les hommes, son amour du succès le portaient, plutôt, à vouloir assouplir les contours d'une idée, amortir les angles d'un projet, pour rendre cette idée, ce projet plus accessible, plus acceptable, à certains esprits distants ou prévenus, dont l'assentiment était pourtant nécessaire. Barthélemy Saint- Hilaire fut conquis, Gambetta donna son appui, et quatre-vingtdix mille francs furent votés pour l'ouverture de ce qu'on appela, au Palais-Bourbon, le collège français de Sainte-Anne. A peine ce vote enlevé, Lavigerie était à Rome ; il voyait Léon VIII, et les autorités de la Propagande ; il se prévalait de ses anciennes expériences de directeur de l'oeuvre des Écoles d'Orient pour soutenir que l'un des plus grands obstacles qui écartaient de Rome les schismatiques orientaux était la frayeur du latinisme. Il pensait donc travailler pour la réunion des Églises, en demandant l'autorisation de faire de Sainte- Anne un séminaire grec-melchite où le rite oriental serait en vigueur : il augurait qu'à la faveur d'une telle éducation les jeunes pupilles de Sainte-Anne seraient un jour des agents efficaces pour la conversion de l'Orient. Il insistait, en novembre, |