780 REVUE DES DEUX MONDES. sents, faisaient de même ; le célèbre discours de Fénelon sur la fête de l'Épiphanie recevait ainsi, dans cette cathédrale, une sorte de sanction liturgique. Un an plus tard, hélas ! huit de ces partants, missionnaires ou zouaves, avaient déjà succombé à la fièvre et semé de leurs tombes la route des Grands Lacs. Tout autre que Lavigerie se fùt peut-être découragé : mais ces catastrophes mêmes étaient, pour lui, un motif de s'acharner. I1 chargeait le Père Deg u erry de remonter le Haut-Nil pour y trouver, éventuellement, une nouvelle route vers l'Ouganda. Et sans même attendre le fruit de cette exploration, il préparait une troisième caravane qui allait, avant la fin de 1880, gagner Zanzibar. « Nous jurons ensemble, la Société missionnaire et moi, proclamait-il devant ce troisième contingent d'apôtres, nous jurons de mourir tous jusqu'au dernier, plutôt que d'abandonner ces missions de l'Équateur. » Et tous ces Pères Blancs, tous leurs novices, juraient avec lui. Un Breton, ancien zouave de Lamoricière et de Charette, le capitaine Joubert, était de l'expédition : il n'avait pu, naguère, sauver le royaume du Pape ; il allait peut-être, en Afrique, donner au Pape un royaume. Car, de plus en plus vastes étaient les ambitions territoriales de Lavigerie : à Kabele, et au Haut-Congo, la Propagande venait de créer pour ses Pères Blancs deux nouveaux vicariats : le Père Charbonnier, qui venait d'être nommé Supérieur général, régnait désormais, de son observatoire de Maison Carrée, sur quatre champs de mission. II. LAVIGERIE A JÉRUSALEM : LA FRANCE INSTITUTRICE DES CLERGÉS D'ORIENT Cependant, à Sainte-Anne de Jérusalem, s'effaçant discrètement et se morfondant un peu, quelques Pères Blancs, conformément aux consignes de Lavigerie, se considéraient comme députés par la France et par l'Eglise pour prier en faveur du monde chrétien et de la pauvre Afrique en particulier. Lavigerie, en juin 1878, à l'heure même où ses premiers missionnaires commençaient à cheminer de Zanzibar aux Grands Lacs, avait fait une apparition à Jérusalem (1) : le consul Patrimonio, officiellement, liai avait remis les clefs de Sainte-Anne. (1) Ouvres choisies, II, p.265-269, |