754 REVUE DES DEUX MONDES. ront, quand ton esprit obscurci se voilera tout à fait, quand il ne te restera plus que ton coeur, ton pauvre coeur acharné à ne pas mourir ?... Ah ! il me restera Vous, Seigneur, si vous venez à mon aide I Je connais trop ma misère. Laissez-moi appuyer ma faiblesse sur votre toute-puissance 1... » Ainsi, malgré l'effroi qu'on m'avait inspiré de Lui, le Médiateur m'apparaissait comme l'unique refuge. Je puis dire que j'allai au-devant de Lui de toute mon âme. Je savais d'avance que je retomberais. Mais qu'au moins pendant ces huit jours, je fusse digne de Le recevoir ! Retrouver, au moins pendant ces courts instants, l'état de pureté, d'innocence baptismale, où j'avais vécu du temps de Jean Louis ! Je m'y efforçai tant que je pus... Ah ! je puis me rendre ce témoignage que le Visiteur fut bien reçu 1 Et ainsi cette semaine, qui se termina le 19 mai 18l9, fut pour moi une halte sur le seuil d'un pays nouveau, un pays dont je devais avoir désormais la nostalgie inguérissable. Ce grand dimanche fut un des sommets de ma vie. ** Je tâchai de m'y maintenir le plus longtemps possible. Tel que j'étais, pauvre âme à l'abandon, je parvins tout de même à m'y maintenir assez longtemps. Le rayonnement de cet acte fut long à s'effacer de ma mémoire. Cela dura, je crois bien, pendant tout le reste de l'année, jusqu'au moment où je dus m'occuper d'autres préparatifs : je veux dire me préparer à entrer au lycée. Il avait été décidé que j'entrerais au lycée de Bar-le-Duc, et cela d'abord pour des raisons d'économie. La pension d'internat y était moins chère qu'au lycée de Nancy. Et puis enfin, j'étais né à Spincourt, j'étais meusien. Il convenait de me rattacher à mon chef-lieu... Je m'apprivoisais peu à peu à cette triste perspective. Je me souviens même que, lorsque ma famille reçut le prospectus de cet établissement, la vignette gravée en tête de la feuille et qui le représentait comme un séjour enchanteur, fit naître en moi les plus charmantes espérances... Mais quand, au mois de septembre, je touchai, si je puis dire, de mes mains, la réalité imminente de la séparation, quand je vis mon trousseau empaqueté, mes serviettes marquées de mon numéro, comme on marque le linge d'un forçat, alors je me sentis plongé dans une désolation sans |