102 REVUE DES DEUX MONDES. utile de nous apprendre. Grâce à eux, nous eûmes de notre religion une connaissance aussi approfondie que possible pour des enfants de douze ans. Le curé lui-même, M. l'archiprêtre Schwob, nous faisait le catéchisme, exerçait sur nous une surveillance morale de tous les instants, s'imposait de fastidieuses séa_ices de confessionnal, assistait à nos jeux dans un grand jardin, où il avait installé un patronage. Ces hommes entendaient remplir, dans le plus petit détail, tous leurs devoirs d'éducateurs. Et, de fait, cette éducation si sérieuse, si austère, voire un peu dure, a marqué d'une empreinte ineffaçable tous ceux qui l'ont subie. Évidemment, on peut en critiquer l'extrême rigueur. Mais ces éducateurs avaient affaire à des caractères tellement rudes, tellement difficiles à dompter ! Quand je songe qu'ils arrivaient à tenir en bride d'affreuses petites brutes, à leur donner, ne fût-ce que pour un moment, une apparence humaine, je ne puis que les admirer. Leur seul tort peut-être était de ne voir que ces garnements et de se représenter tous les enfants sur leur modèle. Pour moi, mis au régime des pires polissons, je me sentais blessé d'une telle méconnaissance de mon être intime, et, si je ne me révoltais pas, je souffrais secrètement. Je comprenais donc que je n'avais plus aucun secours à espérer de ce côté-là, du moins aucune aide à ma convenance. Tout ce qu'ils avaient pu faire, c'était d'avertir mon intelligence. Leur enseignement donnait encore plus de poids à toutes les raisons qui me faisaient considérer cette action prochaine comme étant de la dernière importance. A mesure que la date s'en approchait, mes appréhensions redoublaient. Je sentais davantage mon indignité. Car j'avais la conscience trouble et le coeur déjà lourd de remords... Comment me préparer à recevoir le Visiteur que l'on m'annonçait ? Je tremblais d'une telle approche, et je m'étonnais que mes catéchistes n'en fussent pas, comme moi, bouleversés d'émotion et comme anéantis de crainte autant que d'adoration ! Je voyais bien que, pour eux, il s'agissait d'une obligation très sérieuse, très stricte, très différente, certes, d'une pure formalité, mais enfin d'une obligation et rien de plus. Alors, dans un frisson d'attente, je résolus d'aller tout seul, malgré mes terreurs, au devant de l'IIôte, et de faire pour Lui tout ce que je pourrais... Il me faut bien ajouter que je n'eus pas grand mérite à |