REVUE DES DEUX MONDES. sommes des citoyens d'Empire, nous sommes nés en terre d'Empire. Metz, ancienne capitale des rois d'Austrasie et qui se souvenait toujours d'avoir reçu l'empereur Charlemagne dans ses murs, république municipale affranchie, après de longues luttes, de l'autorité de son évêque, Metz n'a cessé pendant des siècles, de se défendre contre les ambitions rivales du Roi de France et du duc de Lorraine. Pour maintenir la balance égale entre eux et surtout pour maintenir ses franchises, elle a dû se tourner à plusieurs reprises vers l'Empereur, mais l'Empereur de Rome, le Roi des Romains. Ce César-là, qu'avaient adopté nos ancêtres, n'a jamais rien eu de commun avec l'Empereur allemand issu de la guerre de 1810. Metz-la-Romaine tenait à rester fidèle à l'Empereur de Rome, et cela pour toute espèce de raisons : d'intérêt d'abord, puisque la suzeraineté à peu près nominale de l'Empereur lui garantissait sa liberté. Et puis sans doute aussi par attachement à la grandeur et à la beauté des souvenirs antiques. Un mémorialiste local, Philippe de Vigneulles, nous a conservé la mémoire d'une fière réponse faite par les députés de Metz aux : mandataires du Roi de France, Charles VII, et du roi René d'Anjou, alors duc de Lorraine et de Bar... « En celui-même jour (de l'année écrit Philippe de Vigneulles, furent mandés aulcuns des seigneurs de la cité pour aller à Nancy parlenleilter à lui, et les vint quérir un noble héraut appartenant à Roi Charles de France. Alors le conseil fut unis ensemble, et, en nom d'icelle cité, furent commis pour y aller, sire Geoffrey Dex, chevalier, et Poincignon Baudoche, lesquels, venus à Nancy, leur fut par le procureur dudit roi Charles faite requête qu'ils voleissent la cité de Mets rendre en leur main et à eux faire féauté comme à leurs souverains. Auxquels les seigneurs devantdits firent réponse convenable, mais non pas à vouloir du demandant. Car, à brief parler, ils répondirent pour et au nom de la cité, qu'ils aimeraient mieux tous à mourir qu'il leur fit reproché qu'ils eussent une fois renié la Grant Aigle, qui est l'Empereur de Rome... » Voilà donc ce que répondirent Poincignon Baudoche et son compagnon aux mandataires du roi Charles et du roi René. Ils ne dirent point : « nous sommes des Allemands ! nous sommes les féaux de l'Empereur germanique ! » Mais : « plutôt mourir que de renier la Grant Aigle, qui est l'Empereur de Rome. » |